
En septembre dernier paraissait Le dernier chant des premiers peuples, troisième tome de la trilogie des Chants de la terre de Jean Bédard. L’auteur, bien connu dans le Bas-Saint-Laurent pour avoir fondé la ferme d’accueil écologique Sageterre avec sa conjointe Marie-Hélène Langlais, signe ici son 11e roman. Philosophe, écrivain et intervenant social, Jean Bédard propulse cette fois ses personnages dans un monde futur, un conte philosophique où les changements climatiques ont mené la vie terrestre au plus près de ce point d’inflexion entre la survie et la mort des espèces.
Le roman raconte la trajectoire et les réflexions d’une femme d’origine wendat à la suite d’une chute à vélo dans la métropole montréalaise. En quête de vérité, elle s’élance vers le Grand Nord rejoindre son grand-père, un vieux traditionaliste wendat que la vitesse et la technologie ont épargné. Partout où son esprit se pose, le voyage de la jeune femme ne fait que commencer; elle rencontre les animaux de la forêt, les ancêtres, les éléments, une baleine.
Au fil de sa lecture, le lecteur est transporté dans un univers où tout communique et communie. Dès les premiers chapitres, il est rapidement confronté au même choix que la protagoniste : « en regardant [mon grand-père], je me suis retrouvée en face d’un choix étrange […] : soit il était laid, vieux et complètement dépassé, soit il était beau, honnête et clairvoyant ». La pensée rationnelle se cogne contre la poésie de l’auteur : la montagne parle, le temps n’est plus, les morts discutent avec les vivants. Celui ou celle qui tient la science pour unique repère sera déçu : le voyage spirituel nous mène ailleurs. Puis comme la jeune protagoniste, on se laisse bercer par la beauté des images pour mieux accueillir les messages. Car les questionnements sont grands : y a-t-il encore de l’espoir? Comment trouver un sens à notre vie? La force de l’œuvre réside peut-être dans cette liberté qu’elle laisse au lecteur d’y puiser les réponses qui résonnent en lui.
Lors du lancement de son livre, Jean Bédard a mentionné s’inspirer de ses rêves pour écrire. Plus qu’un processus, c’est le ton général qu’il donne au roman : tout est permis et l’espace-temps n’est qu’une convention. Le résultat met le lecteur en état d’éveil, les sens en alerte « les yeux à l’horizon, les oreilles dans la profondeur, mais le nez à la verticale », bien ancré dans l’instant présent. Dans un langage poétique, à travers une écriture fluide et maîtrisée, Le dernier chant des premiers peuples est une invitation à penser et à percevoir la vie comme un tout indissociable, une harmonie qu’il nous faut rechercher pour la protéger. Comme le disait le commandant Cousteau : « On protège ce qu’on aime, et on aime ce qu’on connaît. » Découvrez, émerveillez-vous et aimez!