Actualité

Vedette toi-même!

Par Marc Simard le 2016/05
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Vedette toi-même!

Par Marc Simard le 2016/05

S’il y a une chose que j’ai apprise de mon passage de près de 15 ans à la radio de Radio-Canada, c’est qu’il faut plaire à tout le monde, et ce, même au détriment de la recherche de la vérité. Plaire aux patrons, plaire aux groupes témoins, au chef de pupitre et aux cotes d’écoute. Comment naviguer dans les méandres de ces « décideurs » sans perdre un minimum de substance, d’objectivité et de lucidité?

La télévision d’État est devenue sous le règne Harper un succédané de sa propre ombre. Les dirigeants cherchent le consensus et évitent donc les débats. Attention! Il est question ici de vrais débats, pas de pseudo-prises de becs orchestrées et mises en scène comme à Tout le monde en parle. La littérature spécialisée en communication au Québec déborde d’exemples sur la peur des Québécois des débats musclés et trop intellectuels. Résultat : une vaste plaine de belles personnes qui parlent pour parler. Le bonheur par procuration pour l’auditeur. Où est-ce que je veux en venir? La décision de Radio-Canada de remercier notre chroniqueur Fred Dubé de l’émission rose bonbon Les Échangistes m’a laissé perplexe. La colère a rapidement laissé place à l’évidence : Dubé n’était pas là pour plaire. Ni aux invités trop grimés, ni au public en mode estival. Il fait beau, il fait chaud, écœurez-nous pas avec vos remises en question et vos commentaires désobligeants sur le star-system qui ne souhaite que ploguer un film, un spectacle, un livre ou une beurrée de bonheur familial lancée à la face des travailleuses et des travailleurs qui n’ont pas huit semaines de vacances par année.

Ô surprise, Christian Bégin non plus ne fait plus partie de l’équipe de Pénélope McQuade. Aurait-il fait manger de la marde à une maquilleuse, à un invité de type A? Pour celles et ceux qui l’ignorent encore, les émissions de télé et de radio, les journaux également, affublent les membres de l’Union des artistes, les sportifs et même les politiciens d’une cote. De A à D, selon leur degré d’importance, leur popularité dans le fameux star-system. Un A va attirer plus de public. Un D, beaucoup moins… Mais si les producteurs n’ont pas d’autres choix, ils iront avec un D plutôt que de faire découvrir de nouveaux talents. Faites vos preuves ailleurs avant! Oui, mais où? Dans un bar de province? Sur un blogue obscur? Dans un journal indépendant?

Imaginez un invité de type A. Se sentira-t-il à l’aise de critiquer, de débattre, de déplaire au risque de perdre sa cote? Encore une fois au Québec, on nivelle par le bas. Le jupon ne doit pas dépasser… surtout pas en été alors qu’on prétend que « l’humain normal » veut se divertir sans trop réfléchir.

Revenons à Fred. Deux émissions auront suffi aux producteurs pour constater que l’humoriste ne cadrait pas avec la mission des Échangistes.

Radio-Canada, qui n’a pas les bras très haut en saison hivernale, les laisse tomber sous les chevilles en été. Par ici l’été, Promenade en vieux chars (sic) avec Michel Barrette, La petite séduction, etc., ces émissions offrent une large, trop large tribune aux vedettes. Parlez-nous de votre vie, de votre enfance, de vos amours. La société va franchir d’importantes étapes en apprenant que Guylaine Tremblay a peur des souris et qu’elle a frenché pour la première fois en arrière d’une Buick 1968 à Arvida!

Monsieur Dubé qui ose questionner la patineuse Marianne St-Gelais, qui avoue s’interroger sur le financement de certains films. Il n’est même pas baveux… Il ouvre à peine la porte de chambres trop longtemps tenues dans l’obscurité. Et poliment à part ça! Soit, il sera remplacé par France Castel.

Le numéro du Mouton Noir que vous tenez entre les mains propose un dossier spécial sur la peur. Au Québec on a peur de perdre nos acquis, on a peur de la confrontation, des débats. Et quand un hurluberlu ose sortir la tête de l’eau… On le vire. Ironique non?

Comme disait Martin Luther King : « I have a dream ». Il est simple, ce rêve. Le jeune Trudeau doit prendre ses responsabilités et carrément rebâtir le diffuseur public. En aura-t-il le cran? Je ne crois pas. Il injectera de nouveaux fonds certes. Mais même lui, un A, ne pourra jamais aller à l’encontre de la volonté populaire qui dit : « Crissez-nous patience avec vos réflexions. On veut le retour de Symphorien! 

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