
Cette année, le Carrousel international du film de Rimouski a l’honneur de recevoir un des cinéastes d’animation les plus en vue de la décennie, Theodore Ushev. Le réalisateur fait présentement le tour du monde avec sa toute dernière œuvre, Sonabulo, « un voyage surréaliste à travers couleurs et formes inspiré par le poème Romance Sonámbulo de Federico Garcia Lorca ». Question de vous mettre dans l’ambiance avant la représentation, voici une brève rétrospective de la carrière de celui que l’on surnomme « le Miro de l’animation ». En effet, lorsqu’on regarde ses films, on ne peut s’empêcher de penser qu’ils seraient aussi bien à leur place dans un musée tant on sent l’influence qu’exercent sur eux les différents courants de l’art moderne du XXe siècle. Pour Ushev, le cinéma n’a pas à imiter la réalité, à être figuratif, mais à présenter au spectateur une expérience qui suscitera une émotion, qu’elle plaise ou qu’elle dérange, .
Né en Bulgarie, Ushev a tout d’abord étudié à l’Académie nationale des beaux-arts de Sofia avant de s’installer à Montréal en 1999. Il a produit de nombreuses illustrations et affiches pour ensuite diffuser ses premiers courts métrages en ligne sur Mortadella TV. En 2003, il signe sa première collaboration avec l’ONF, Aurora, et depuis il dit de lui-même qu’il est un affichiste bulgare et un cinéaste canadien. Remarqué par Marcel Jean, Ushev poursuit son aventure cinématographique avec deux réalisations en 2006, L’homme qui attendait, inspiré de l’œuvre de Kafka, et Tzaritza, un conte sur le thème de l’immigration. Sur un ton plus intimiste, Les journaux de Lipsett (2010) retracent l’histoire personnelle du cinéaste expérimental Arthur Lipsett, qui fut l’un des premiers à utiliser la technique du coupage (cut up).
Entre 2005 et 2012, Ushev signe une trilogie troublante autour du lien entre l’art et le pouvoir. Dans Tower Bawher (2006), on reconnaît l’influence du constructivisme russe, cette période artistique où l’on privilégiait la dynamique des formes géométriques, une conception de l’art près de l’ingénierie. Le deuxième volet, Drux Flux (2008), illustre la déshumanisation des individus dans une société où la machine a remplacé l’humain tout en lui imposant, paradoxalement, des standards de productivité de plus en plus élevés. Cette course effrénée se termine en « un éclatant cauchemar pour la paix » (ONF) avec Gloria Victoria (2012), un film qui traite de la guerre et des pertes qu’elle entraîne. D’un court métrage à l’autre, on découvre que le propos qui se cache derrière la démarche artistique d’Ushev se situe en fait dans les vases communicants entre le pouvoir de l’art et l’art du pouvoir. Le choix des musiques qui accompagnent ses animations se fait dans le même esprit, par exemple la Symphonie no 7 de Chostakovitch, que l’on peut entendre dans Gloria Victoria, et qui fut l’un des hymnes patriotiques russes lors de la Seconde Guerre mondiale. Ces trois films nous rappellent que le renouvellement des courants artistiques se fait souvent en parallèle des révolutions sociales et politiques.
Pour mieux comprendre l’univers de cet artiste, tantôt dénonciateur, tantôt intimiste, mais toujours surprenant, il faudra vous rendre à la salle rouge du Paradis, où vous pourrez en apprendre davantage sur la démarche de ce cinéaste dont le succès s’étend hors frontières.
La projection de Sonámbulo aura lieu dans le cadre du Carrousel international du film, en collaboration avec Paraloeil, le 22 septembre à 19 h 30 à la salle rouge du Paradis. Suivra une discussion avec le réalisateur, animée par Marco de Blois.