Pendant qu’à Rimouski, Marc Simard utilise son statut de rédacteur en chef du Mouton Noir pour avoir un café gratuit chez Tim Hortons, que le militant Martin Poirier se fait regarder croche chaque fois qu’y met du gaz dans son char, qu’un groupe de femmes retraitées en paix avec leur utérus font de la Zumba au parc Beauséjour en parlant de leur pèlerinage à Compostelle, que des diplômés en littérature de l’UQAR se trouvent une job chez Telus, qu’Eudore Belzile fait tirer des billets de théâtre Chez Pull, que les jeunes artistes rimouskois s’inspirent les uns les autres en buvant une bière à la microbrasserie Le Bien, le Malt en assistant à l’un des nombreux projets culturels de Soliel Perreault, ailleurs au Québec, Normand Brathwaite pratique son lancer du Piment; un gosse de riche chef d’un parti politique occupe l’espace médiatique à outrance en mariant une animatrice de tivi qu’on-s’en-câlisse avec la complicité du maire d’une ville de mongol; on déclenche une interminable campagne électorale qui n’a de promesses que les mêmes mensonges onctueux qui étaient racontés du temps où Janine Sutto a eu ses premières règles; on fait la file pendant des heures pour visiter les toilettes du Centre Vidéotron, véritable cimetière culturel déjà hanté par une équipe de hockey fantôme. Finalement on se dit que l’actualité « d’ailleurs au Québec», ça sent aussi mauvais qu’une pisse aux asperges.
Ça fait que je cherche des pistes de réflexion pour démêler tout ce cross-country d’information. La télé, aux heures de grande écoute, ne m’en donne que très peu. Pierre Bruneau, chef d’antenne de bulletin de nouvelles, les deux fesses bien écartées sur sa pile de trophées Artis, ne voit plus clair tellement sa prostate est stimulée par sa précieuse collection dorée. Pierre nous apprend la commercialisation du flibanserin, aussi appelé « Viagra féminin ». Alors que le Viagra mâle modifie l’apport sanguin vers la quéquette, le flibanserin agit sur le cerveau de la femme. Il s’apparente aux médicaments qui comprennent des antidépresseurs comme le Prozac. Wow. Ça sonne drôle dans mes oreilles, non? Droguer une femme pour coucher avec elle? Bill Cosby n’est juste pas né à la bonne époque. Qu’en est-il de la communication, des mots doux, de se mettre chum avec le clitoris de son amoureuse? Me semble que ça aussi, ça agit sur le cerveau. Hein, Monsieur Bruneau? Dites aux téléspectateurs comment faire un bon cunnilingus. Chaud et humide avec Colette. Aweille donc! Mais non, Pierre poursuit son cross-country avec Mario Dumont pis Jean Lapierre, et leur face de contraceptif naturel, qui « analysent » la campagne électorale comme deux acrochordons sur les mamelles du pouvoir. En les regardant, je me dis que leur femme doit avoir la sacoche pleine de flibanserin et une bouteille de vodka sous l’oreiller.
Je décide d’arrêter le cross-country. Pour reprendre mon souffle, je me tourne vers un livre qui traîne dans ma bibliothèque depuis un an. J’aime qu’il y ait dans mon appart beaucoup de livres, autant lus que non lus. J’ai l’impression d’être à une fête avec des gens intéressants à découvrir quand je veux. Le livre est Désobéissance civile et démocratie de Howard Zinn. Il y a un passage qui tombe pile avec l’actualité du mois d’août : les 70 ans de l’explosion nucléaire sur Hiroshima et Nagasaki au Japon. Voici ce que Zinn a à dire sur le sujet. « L’emploi de la bombe atomique semble donc ne pas avoir eu pour fin de hâter la victoire, qui était déjà certaine, ni de sauver des vies, puisqu’il était fort probable qu’une invasion américaine du Japon ne serait pas nécessaire, mais bien d’affirmer la suprématie américaine en prévision de l’après-guerre. Pour y parvenir, on utilisa des moyens qui sont parmi les plus atroces que l’humanité ait jamais conçus : brûler vifs, mutiler affreusement et irradier des êtres humains, les condamnant à une lente agonie dans d’atroces souffrances. » Ce que Pierre Bruneau ne dira pas, c’est que les deux bombes atomiques étaient un message politique à la Russie. Les USA ont commis le pire attentat terroriste du 20e siècle. Zinn conclut que « l’une des pires conséquences de la Seconde Guerre mondiale est sans doute d’avoir confirmé l’idée qu’une guerre pouvait être juste. »
Il ajoute plus loin : « Si ceux qui tiennent les rênes de la société se montrent capables de contrôler nos idées, ils sont assurés de rester au pouvoir. Nul besoin de soldats dans nos rues. Nous nous contrôlerons nous-mêmes. » J’ai repris mon souffle. Je poursuis le cross-country à travers les sentiers escarpés de l’actualité.