
Du 25 au 29 mai dernier se tenait un important congrès scientifique à Rimouski, celui de l’ACFAS, qui regroupait pas moins de 3 500 congressistes de langue française provenant de partout à travers le monde. Parmi les colloques se tenait L’attachement au lieu de résidence et vie culturelle dynamique : quels liens?, organisé par Virginie Proulx et Sandrine Jean. L’une ayant quitté Montréal pour s’établir à Rimouski et l’autre originaire de Rimouski ayant un jour quitté sa ville natale. Les deux chercheuses ont croisé leur chemin et ont réalisé partager un profond attachement pour Rimouski. À travers leurs recherches respectives, elles ont trouvé un point commun : l’attachement au territoire et à la culture. Sous ce thème, elles ont donc invité des chercheurs et des acteurs du développement de partout au Québec à venir partager leur savoir, leurs espoirs et leurs idées. Marie-Claude Hamel et Mélissa Roussel, des artistes du Bas-Saint-Laurent, sont également venues s’exprimer sur leur rapport aux territoires et aux paysages pour créer, innover, exprimer, revendiquer.
Jeunes et moins jeunes se sont succédé, en faisant un pied de nez à l’austérité, pour parler de ce qui se fait de mieux ici et ailleurs : de la banlieue éloignée de Montréal à la Matapédia, de la Colombie à l’Islande, nombre d’exemples ont rappelé l’importance de la culture pour tous les territoires, qu’ils soient petits ou grands, citadins ou ruraux, proches ou éloignés des grands centres.
Le colloque a permis d’explorer différents modèles de développement culturel et les retombées économiques et sociales pour les milieux qui embrassent cette nouvelle approche de développement. Des exemples comme la Coopérative de solidarité Paradis à Rimouski ou Méduse à Québec ont retenu l’attention. D’autres initiatives ont de quoi inspirer, comme celle de l’épicerie Métro à Val-David qui a vu son chiffre d’affaires exploser après que l’artiste René Drouin a peint une immense murale extérieure de 160 m2 Autour de mon jardin, ou encore, Gueze, ce jeune artiste revenu s’établir à Albertville (municipalité de 300 habitants dans la Vallée de la Matapédia), pour chanter Mal aux rangs dans son studio d’enregistrement mobile Urubu, dans l’espoir de redynamiser la vie culturelle et artistique de sa région d’origine. Ou encore, la biennale de sculpture de Saint-Jean-Port-Joli, le festival du roman policier de Saint-Pacôme ou celui de la poésie de Trois-Rivières.
Que ressort-il d’une telle journée d’échanges et de réflexion? Que la culture peut agir comme levier au développement en favorisant la vitalité et le dynamisme de nos villes et régions. Encore faut-il savoir le reconnaître et avoir les indicateurs appropriés pour en mesurer les retombées car, comme le disait Albert Einstein, « ce qui compte ne peut pas toujours être compté et ce qui peut être compté ne compte pas forcément. » Rien n’est plus vrai pour la culture.
À l’issue des discussions, le dénominateur commun est clair : on ne peut faire l’économie de la culture dans le développement de nos régions. Rappelons seulement au passage une étude française qui montre que la culture contribue sept fois plus au PIB que l’industrie automobile1. Ou la plus récente étude de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain qui montre comment la culture a généré une valeur ajoutée directe et indirecte de 11 milliards de dollars dans l’économie de Montréal en 20132. Il ne manque pas d’exemples concrets – à qui veut les entendre – de l’effet multiplicateur que peuvent avoir les investissements dans les arts et la culture. Mais pour cela, il faut un engagement politique fort pour ce secteur. Il faut aussi une société civile et des citoyens prêts à relever les défis d’un développement passant par la culture.
Si le colloque a débuté avec la boutade « Bienvenue en Austérie! », rappelant la morosité ambiante qui annihile tout projet, il s’est terminé sous le signe de l’espoir. Rimouski a de quoi inspirer avec une vie culturelle riche qui contribue au développement et au rayonnement de la capitale régionale ainsi qu’à l’attraction et à la rétention des jeunes. Les défis commencent par éduquer population et politiciens à l’impact positif d’une vie culturelle dynamique : sentiment d’appartenance, qualité de vie, création d’emplois, engagement citoyen, tourisme, etc. Ce sont nos « gens du pays », disait Gilles Vigneault, qui œuvrent d’arrache-pied « le temps de vivre leurs espoirs ». Parce que des gens fiers, ce sont des gens impliqués, des gens ancrés et attachés à leur milieu. Ce sont ces gens qui font en sorte que leur ville ou leur région demeure un milieu attractif où il fait bon vivre.
À travers ces discussions se fait vivement sentir un appel à revendiquer un nouveau modèle de développement régional qui ne soit plus basé uniquement sur l’exploitation des ressources naturelles, mais sur les cerveaux, les créateurs et les innovateurs que nous sommes. Le colloque appelait ainsi à ce que Rimouski devienne un exemple d’un nouveau projet de territoire de par ce qu’elle est, une terre créatrice et inspirante. Et de par ce modèle, en inspirer d’autres.
- Serge Kancer, Jérôme Itty, Morgane Wiell et Bruno Durieux, L’apport de la culture à l’économie de la France, Paris, 2013, www.latribune.fr
- Chambre de commerce du Montréal métropolitain, La culture à Montréal : chiffres, tendances et pratiques innovantes, 2015, www.ccmm.qc.ca