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Faire « germer » une communauté

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Faire « germer » une communauté

En Gaspésie, les élites politiques et économiques parlent souvent de développement, surtout pour vendre des projets comme une cimenterie, une mine, un forage pétrolier ou une scierie. Les gouvernements provincial et fédéral promettent alors emplois, croissance économique et subventions pour les compagnies. Ce type de développement convient-il à une région comme la Gaspésie?

Quand on parle d’extraction pétrolière ou gazière, de transport d’hydrocarbures par train ou par bateau dans un écosystème aussi foisonnant que fragile, le cœur bondit. Ça donne le goût de s’organiser pour préserver et défendre le territoire et pour bâtir des projets qui ne dépendent pas ou peu du pétrole.

Le Centre d’écologie solidaire et appliquée

C’est le désir de mettre en commun des ressources afin de construire une maison de type « earthship1 » qui a motivé la création du Centre d’écologie solidaire et appliquée, le CESA, il y a une dizaine d’années. Matériaux recyclés, solaire passif et masse thermique permettent au « earthship » de garder sa température au-dessus de zéro durant une grande partie de l’année. Animé par l’autogestion et la recherche de consensus, le CESA a accueilli depuis sa création des centaines de personnes qui participent à la conception ou à la construction de prototypes d’infrastructures ou de procédés adaptés aux climats froids.

À travers le CESA, un groupe composé d’une vingtaine d’adultes et d’une dizaine d’enfants s’est graduellement installé à Saint-Louis, un village fermé depuis les années 1970. Ils et elles ont mis sur pied une coopérative de solidarité qui prend corps dans la « Grange à Pit », ayant d’abord accueilli une ferme, puis les soirées dansantes de l’ancien village, à l’abri du regard réprobateur du curé!

La coopérative de solidarité Le Germoir

Récupérer un bâtiment imprégné d’histoire, c’est beaucoup plus inspirant que de partir de rien. Un premier chantier collectif a vu naître un atelier-bureau ainsi qu’un espace destiné à accueillir une cuisine de transformation alimentaire et un bloc sanitaire. Le fait de se doter d’une infrastructure collective a permis de rendre les habitations beaucoup plus simples, la majorité des éléments nécessitant de l’énergie étant disponibles et partagés à la coopérative. En tout, des centaines de personnes sont venues prêter main-forte au chantier et une campagne de socio-financement a permis d’amasser 15 000 $ pour terminer les espaces et lancer des projets qui répondent aux besoins d’une communauté tout en prenant soin de l’environnement.

Récupérer un bâtiment imprégné d’histoire, c’est beaucoup plus inspirant que de partir de rien.

Dans la perspective d’une transition énergétique, sociale et économique, les membres du Germoir travaillent en solidarité avec d’autres initiatives. Il s’agit de créer des réseaux de partage et d’échanges solides plutôt que de créer une bulle hors du système. Le principe repose sur l’idée qu’ensemble, des individus seront à même de trouver la force nécessaire aux changements.

La coopérative a d’ailleurs récemment obtenu une aide financière de la Fondation Béati afin de consolider les projets de souveraineté alimentaire de la communauté. Il s’agit de développer le volet social et politique de la cuisine de transformation : cuisines collectives, paniers communs, activités de cueillette forestière avec la communauté, magasin de vrac sec, ouverture de jardins collectifs, dans le but de réduire la dépendance aux emplois précaires et de libérer temps et énergie pour continuer de nourrir les expérimentations en matière de transition et de fournir un appui aux luttes locales.

La souveraineté alimentaire contre l’exploitation pétrolière

Comme on sait que le système alimentaire industriel mondial est responsable de 44 à 57 % des émissions de gaz à effet de serre et d’une grande partie des activités extractives, il s’agit pour la coopérative de valoriser des solutions basées sur l’agriculture à petite échelle, les échanges en circuits courts et le partage de savoir-faire. Ces solutions consomment moins de pétrole, contribuent à fixer le CO2 dans les sols en lui restituant sa matière organique et concourent à mettre en place un système alimentaire largement moins dépendant du pétrole.

Pour le développement, contre la dépendance au pétrole

Récemment, le gouvernement provincial a annoncé une aide financière de plusieurs centaines de millions au projet de cimenterie de Port-Daniel. À titre de comparatif, avec une telle somme il serait possible d’octroyer un salaire de 50 000$ par année à plus de 200 personnes sur une durée de 25 ans. Si cet argent était géré par la population de la Gaspésie, c’est à parier qu’on choisirait de l’investir dans des infrastructures durables plutôt que dans une cimenterie aussi polluante.

On vit dans une région où l’eau de certaines rivières est toujours potable et où la nature permet de se nourrir à travers les activités de pêche, de cueillette et de culture maraîchère. Pour développer nos capacités à vivre dans cet environnement, mettons temps et énergie pour préserver la qualité de vie de l’ensemble de la population gaspésienne, et non pas pour augmenter le niveau de vie d’un petit groupe de gens. Bâtissons des communautés ancrées dans le territoire et à même de lutter pour la préservation des conditions de vie!

Ici, on aime l’odeur des vagues, des remous qui se tordent doucement sur la plage, du sable mouillé… pas l’odeur du gaz!

  1. Le mode de construction « earthship », développé il y a 40 ans par un architecte américain, utilise des techniques de récupération et de géothermie pour développer, à moindre coût, une habitation optimale et respectueuse de la nature qui favorise un mode de vie auto-suffisant et indépendant sur les plans énergétique, alimentaire ou en eau.

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