
Le parvis de l’église… vous vous souvenez? Probablement pas, ou si peu. Les nouvelles du voisin, les rumeurs sur les prochains couples ou des débats sur les élections y sont aussi entendus. Mais ce parvis, si église il y a toujours, s’est dépeuplé. Le lieu de rencontre informel et jovial du voisinage dans nos villages québécois a changé. Il s’appelle maintenant café-resto, cantine, dépanneur ou épicerie du village. Ces commerces dits « de proximité » ont toujours fait partie de notre paysage. Les résidents locaux allaient chez l’un ou chez l’autre, car c’était leur ami d’enfance, leur tante ou leur voisin qui en était propriétaire. Mais peu à peu beaucoup de nos villages se sont transformés sous l’effet de la baisse démographique, de la mobilité grandissante ou de l’attractivité de l’offre commerciale des villes régionales. Le village qui, il y a 20 ou 30 ans, possédait trois dépanneurs et un restaurant familial peut se retrouver en 2015 sans plus aucun commerce. Derrière cette réalité aux apparences purement commerciales, des gens vivent directement les effets néfastes de cette nouvelle réalité : des résidents sans voiture, des personnes âgées, des parents de jeunes enfants, etc. Puis il y a le lieu social, le lieu de rencontre local qui n’est plus là.
Quand un village perd ce lieu de rencontre, c’est une partie de ce qui soude les gens qui s’évapore. Cet endroit de réunion informel permet de mettre sur la table les problèmes du village, mais surtout de trouver des solutions aux projets communs : un réseau d’entraide se crée, des activités communautaires sont mises sur pied, un projet d’affaires est discuté.
Pour bien des communautés en perte de vitesse, l’annonce de la fermeture du dernier commerce est reçue comme un électrochoc. Pourquoi ferme-t-il puisqu’il a le « monopole »? Personne ne veut racheter son commerce? Eh non, parfois personne n’est au rendez-vous pour prendre le relais. Quand la décroissance se fait sentir et que les perspectives de rentabilité sont sombres, ça ne se bouscule pas aux portes. Mais les belles histoires peuvent aussi être au rendez-vous!
Prise en main collective
Le choc de la fermeture du dernier commerce du village peut quelquefois réveiller les forces dynamiques des communautés. Citoyens, élus ou entrepreneurs réalisent les impacts d’une telle perte. Ceux-ci sont d’autant plus forts lorsqu’une communauté a déjà vécu la fermeture de son école, de la caisse populaire ou du bureau de poste. Mais contrairement aux exemples précédents, la communauté a un peu plus d’emprise sur l’avenir de ses commerces. En effet, dans ce cas, le mot magique est « regroupement ». Regrouper les résidents, travailleurs et organismes dont les besoins et les motivations convergent vers le maintien des services. D’ailleurs, depuis 15 ou 20 ans, plusieurs municipalités se sont mobilisées afin de maintenir ou de relancer leurs commerces de proximité sous la forme coopérative.
Mais les belles histoires peuvent aussi être au rendez-vous!
La formule coop n’est toutefois pas magique. Si l’entreprise privée n’était pas rentable, le projet collectif devra trouver une façon d’atteindre sa viabilité financière. L’appui de la municipalité, une forte mobilisation du milieu (il faut acheter dans « notre coop ») et une offre de services de qualité peuvent contribuer à atteindre le seuil financier (ou au-delà, c’est encore mieux) tant souhaité. Pour y parvenir, le mot « regroupement » prend vraiment tout son sens. Il faut rassembler sous un même toit une multitude de services qui répondent à autant de besoins des membres de la coopérative. Dans la Vallée de la Matapédia, où de nombreux villages doivent faire face au déclin démographique, plusieurs coopératives semblables sont nées au tournant des années 2000. Depuis, celles-ci n’ont cessé d’évoluer pour offrir de plus en plus de services : dépanneur, casse-croûte, poste d’essence, mets pour emporter, crèmerie, etc. Dans la MRC de Rimouski-Neigette, le Garage Coop de La Trinité-des-Monts s’est lancé récemment dans une phase d’agrandissement pour ajouter les services de casse-croûte et de dépanneur à la suite de la fermeture de l’épicerie du village.
Malgré cette formule « tout-en-un », la rentabilité est difficilement au rendez-vous dans de nombreux petits villages de nos régions. Les défis demeurent énormes pour pérenniser ces projets collectifs. Encore là, d’autres formules doivent être réinventées. Deux ou trois villages voisins qui se mobilisent autour d’un projet coop qui bénéficiera à tous? Ou encore, plusieurs villages qui créeront une seule coopérative réunissant plusieurs points de services? Cette dernière formule, la coop La Régional (actuellement en pré-démarrage) tente de la mettre sur pied grâce à la mobilisation de municipalités de La Mitis et de Rimouski-Neigette. Il faut collectivement être inventif. Parce que « Ensemble on est plus fort » n’est pas qu’un beau slogan un peu cliché, c’est aussi un mode de survie!