Ce texte est publié dans le cahier spécial « Le GRIDEQ 40 ans de partage et de croisement des savoirs » publié pour souligner les 40 ans du Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional, de l’est du Québec (GRIDEQ).
Virginie Proulx est chargée de cours UQAR.
Dans le contexte actuel caractérisé par l’austérité, la culture est souvent la première à écoper. Tant au niveau municipal que provincial ou fédéral, le premier réflexe est souvent de couper les subventions associées aux « loisirs ». Mais la culture n’est-elle qu’un loisir? La culture peut-elle être un vecteur de développement? Je présente ici quelques réflexions à la suite de mes recherches qui ont porté sur la culture comme vecteur de développement territorial durable à Rimouski. Plusieurs éléments d’analyse méritent d’être soulignés à l’heure où des choix publics qui semblent peu réfléchis nous sont imposés.
La culture facilite le développement d’une idée et sa concrétisation. Si elle rend créatif et stimule l’imagination, elle contribue par le fait même au développement local en favorisant la création d’entreprises, notamment. De plus, elle encourage la participation citoyenne, contribue à désenclaver des populations et à les ouvrir sur d’autres façons de faire. De plus, la culture est le reflet d’une identité; les œuvres théâtrales et visuelles, la musique, les livres et le cinéma sont autant de manifestations de l’attachement d’un peuple à son territoire. La culture est donc bien plus qu’un loisir ou un produit économique.
La culture facilite le développement d’une idée et sa concrétisation.
Mes résultats de recherche ont souligné l’importance, pour les Rimouskois, de leur qualité de vie associée à la présence de la mer, à la proximité de la nature, à la qualité de l’air ainsi qu’à la présence de centres de recherches, de l’Université et du Cégep. Mes recherches ont également montré que cette qualité de vie contribue, avec la vie culturelle dynamique, à attirer de nouveaux arrivants chaque année à Rimouski comme dans les milieux ruraux qui l’entourent. Si Rimouski fait partie de ces municipalités où la culture est foisonnante, la pérennité des subventions provenant des gouvernements supérieurs y est toutefois menacée. Plutôt que de couper davantage, octroyer des subventions supplémentaires en culture permettrait pourtant de propulser ce dynamisme culturel et à plusieurs artistes de vivre de leur talent, eux qui contribuent directement au développement de mille et une façons. Ne pas l’admettre, c’est s’amputer de potentiels et de créativité qui sont des piliers pour une économie tournée vers l’avenir.
La culture et le développement durable : quels liens?
Selon la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005), la culture est, dans toutes ses dimensions, une composante essentielle du développement durable qu’il faut éviter de «marchandiser». Vecteur de développement économique mais fragile et complexe, l’importance de l’intégrer aux principes de développement durable s’avère essentiel, surtout à l’approche de promesses de financement qui ne seraient associées qu’à des critères économiques ou touristiques. Sans cette réflexion, la culture pourrait devenir vide d’intérêt, artificielle et anodine, soumise à des principes peu compatibles avec la création, perdant ainsi son pouvoir de développement territorial durable.
Si l’État prenait le temps d’analyser ce qui se fait en culture à Rimouski au lieu d’y imposer un modèle de développement exogène, il y verrait un modèle de développement culturel durable, notamment parce que l’ancrage local y est présent et que la diversité des manifestations culturelles, la valorisation de la créativité et l’intégration de la production locale au territoire n’ont pas comme seul objectif le développement économique ou l’attraction de touristes dans la région: c’est une culture qui est authentique, livrée par des créateurs libres. Ce contexte attire des artistes de partout et engendre une production vivante et riche, en région. C’est l’occasion de montrer qu’il est possible d’avoir un modèle de développement territorial durable basé sur la culture, où la créativité peut mener à d’autres modèles de développement régional et ainsi sortir du paradigme de l’exploitation des ressources naturelles à tout prix.
Puisque la culture est le fer de lance d’une société, et qu’elle est beaucoup plus sensible, profonde et fragile que les produits de consommation, l’idée de l’associer au développement durable est plus que nécessaire et les politiques qui y sont rattachées devraient montrer un réel désir d’y contribuer, et ce, autrement que dans les discours. En voulant atteindre le déficit zéro à tout prix, le gouvernement actuel est en train de priver les régions, voire le Québec tout entier, de sa richesse naturelle la plus chère : sa créativité.
Pour en savoir plus
Proulx V. (2013) La place de la culture dans le développement territorial durable. Analyse de discours d’acteurs locaux à Rimouski (Thèse de doctorat non publiée), Université du Québec à Rimouski, 479 p.
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