Actualité

Conjuguer l’espace et le temps

Par Nicolas Devaux le 2015/03
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Conjuguer l’espace et le temps

Par Nicolas Devaux le 2015/03

Ce texte est publié dans le cahier spécial « Le GRIDEQ 40 ans de partage et de croisement des savoirs » publié pour souligner les 40 ans du Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional, de l’est du Québec (GRIDEQ).

Nicolas DEVAUX est doctorant en développement régional UQAR.

Le développement régional représente un vaste champ d’investigation vivant et évolutif. Les problématiques y sont complexes et les outils d’analyse variés. L’avancement des connaissances soulève de nouveaux défis nécessitant parfois le développement de méthodologies innovantes ou l’actualisation de certaines déjà éprouvées, mais arrivées à leurs limites. Avec la disponibilité croissante de microdonnées géolocalisées et l’accès à de grandes puissances de calcul informatique, de nouvelles perspectives de recherche émergent. Il est désormais possible d’envisager l’application d’analyses quantitatives aux échelles régionales les plus fines et de comprendre le développement des phénomènes territoriaux dans le temps. Néanmoins, aussi pertinent soit-il, cet exercice peut être compliqué.

Les microdonnées constituent une mine d’or. Elles se définissent comme des données individuelles désagrégées et ont la particularité d’être porteuses d’une grande quantité d’informations. Par ailleurs, l’économétrie spatiale regroupe un ensemble d’outils quantitatifs destinés à modéliser et à expliquer les phénomènes spatiaux. Elle suppose que les observations (individus, entreprise, etc.) sont plus ou moins liées dans l’espace selon la « distance » qui les sépare. Au-delà de la dimension spatiale, l’étude des phénomènes régionaux dans une perspective dynamique impose l’inclusion d’une dimension temporelle. Celle-ci permet de déterminer les relations de causalité qui structurent ces phénomènes régionaux : comment définir si un regroupement d’entreprises témoigne d’une simple répartition spatiale non homogène ou d’un processus de concentration en cours? Bref, comme le veut l’adage : « location matters », mais qu’en est-il du temps? Évidemment, le temps est une composante centrale dans l’évolution des trajectoires régionales ou territoriales. Pourtant dans certains cas, conjuguer l’espace et le temps dans les analyses statistiques est une tâche fastidieuse. Prenons les valeurs résidentielles en exemple : le prix d’une maison vendue aujourd’hui dépend de la description de son environnement, mais aussi, par exemple, de sa valeur dans le passé. Espace et temps imposent des trajectoires aux valeurs foncières qu’il serait relativement simple de retracer si chaque observation, chaque maison, était vendue tous les ans. Or, ce n’est pas ce qui caractérise souvent les microdonnées.

Devant cette impasse, les analyses occultent souvent la dimension temporelle et supposent que toutes les observations sont collectées simultanément. Une maison vendue en 2015 pourrait influencer le prix d’une autre vendue en 1990, ce qui paraît pour le moins peu réaliste. De telles analyses considèrent donc les influences spatiales, mais évacuent la dimension temporelle suggérant des biais dans les résultats qui sont susceptibles d’invalider les conclusions de recherche. Imaginons un instant que de telles conclusions motivent l’application d’une politique de développement urbain ou régional, il y a tout lieu de penser que celle-ci pourrait malheureusement s’avérer contreproductive. La recherche d’une méthode alternative est donc importante.

Deux applications concrètes que nous avons réalisées illustrent le contexte dans lequel ces travaux sont appliqués.

Le Vieux-Québec est reconnu comme un lieu culturel chargé de sens pour la population québécoise. Des politiques de patrimonialisation permettent d’entretenir ce lieu de mémoire, mais modifient le paysage urbain. Quelles sont les conséquences sur les valeurs foncières et indirectement sur les résidents qui contribuent à caractériser le quartier?

Le transport en commun accroît l’accessibilité des individus. Il nécessite une mobilisation substantielle de fonds publics, des débats politiques et de longues périodes de travaux. Le prolongement du métro de Montréal vers Laval en 2007 en est un exemple probant. Quelles sont les conséquences de la réalisation d’un tel projet sur les valeurs foncières ou encore sur la structure urbaine? Nos travaux ont évalué l’impact de cette modification du service de transport en commun à différentes phases du projet (pré-annonce, annonce, construction, mise en service).

Naturellement, nos réflexions se portent sur des outils méthodologiques dont la vocation ne se limite pas à l’analyse foncière, mais bien à une multitude d’applications en contexte rural ou urbain : impact de l’érosion côtière, transmission du patrimoine agricole, analyse de la criminalité ou ouverture/fermeture d’entreprises, etc. Finalement, ces travaux mettent à contribution, autour d’analyses théoriques ou appliquées, des chercheurs aux spécialisations variées témoignant de la diversité disciplinaire qui particularise l’analyse régionale et territoriale.

Pour en savoir plus

J. Dubé/économiste, U. Laval à Québec; D. Legros/économètre, U. de Bourgogne; M. Handfield/sociologue, UQAR; P. Apparicio/géographe, INRS; E. Berthold/historien, U. Laval.

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