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Le GRIDEQ, d’hier à aujourd’hui

Par Yann Fournis le 2015/03
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Le GRIDEQ, d’hier à aujourd’hui

Par Yann Fournis le 2015/03

Ce texte est publié dans le cahier spécial « Le GRIDEQ 40 ans de partage et de croisement des savoirs » publié pour souligner les 40 ans du Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional, de l’est du Québec (GRIDEQ).

Yann Fournis est professeur, département Sociétés, territoires et développement UQAR.

Le Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional, de l’Est du Québec (GRIDEQ) est l’un des plus anciens groupements institutionnels de recherche de l’Université du Québec à Rimouski. Créé en 1974, quelques mois après la reconnaissance de l’UQAR comme constituante du réseau de l’Université du Québec, le GRIDEQ porte dans le domaine de la recherche les ambitions d’une jeune université qui entend, dans la foulée de la Révolution tranquille, incarner l’accessibilité des études supérieures et l’ancrage de la recherche universitaire dans son milieu. Dans cet esprit, le développement régional est rapidement reconnu comme l’un des axes d’excellence de l’UQAR. Il s’agit de participer à la consolidation d’une « université en région » qui, sans renoncer au savoir universel, saurait mettre en valeur le rôle des sciences humaines et de la recherche de haut niveau sur les territoires régionaux. La recherche scientifique se veut ici interdisciplinaire et adaptée aux régions « périphériques », à leurs enjeux et à leurs particularités.

1970-1980

De fait, les études du GRIDEQ se tournent rapidement vers les ressources et les problèmes régionaux ainsi que, plus largement, vers les sensibilités présentes dans une région profondément marquée par la plus ambitieuse politique d’aménagement du territoire menée au Québec, à travers le Bureau d’aménagement de l’Est du Québec (1963-1966). L’enjeu consiste à lier deux engagements : rester en proximité avec le milieu et ses mobilisations (Opérations Dignité, développement économique communautaire, mobilisations populaires à Rimouski, etc.) d’une part; suivre les évolutions d’une recherche universitaire de plus en plus exigeante (organisation collective, financement extérieur) d’autre part. Cette tension s’avère fructueuse, comme l’indiquent les deux colloques majeurs organisés par le GRIDEQ à cette époque (1974 et 1978), qui aboutissent à une posture encore d’actualité : le développement régional et rural doit être largement recentré sur les acteurs sociaux afin de prendre en compte les nouvelles dynamiques culturelles, sociales, politiques par lesquelles ces acteurs construisent les sociétés territoriales.

Dans les années 1980, cet effort est prolongé par l’élaboration d’une problématique commune de recherche autour du développement régional, de la région et du champ des études régionales. Il s’agit de relier les approches critiques (marginalité et dépendance) et les approches d’histoire sociale (société régionale, conscience collective), puis des perspectives de plus en plus diversifiées (science régionale classique, nouvelle géographie économique et industrielle). Il en résulte un positionnement scientifique original, une approche interdisciplinaire centrée sur une conception sociale du développement des espaces périphériques, à coloration sociologique mais ouverte à l’histoire et à la géographie sociales. Plusieurs axes de réflexion se dessinent et se consolident progressivement, notamment le développement économique communautaire avec Hugues Dionne, l’épistémologie des études régionales avec Danielle Lafontaine, le développement rural avec Bruno Jean, les transformations du secteur de la pêche avec Paul Larocque.

1990-2000

C’est sur cette base que les recherches du GRIDEQ se déploient dans les années 1990 et 2000. Une étape marquante est la programmation de recherche produite en 1993, qui rappelle que l’étude du développement régional est ici conçue comme un examen scientifique de la territorialisation des échanges humains et sociaux, à travers cinq axes privilégiés : les structures productives et sociales des régions; la place de la culture, des identités et du régionalisme; le rôle des mouvements sociaux dans le développement endogène; les politiques publiques de développement local et régional; l’épistémologie. Ces orientations permettent au GRIDEQ de consolider sa trajectoire. Sans renoncer à ses liens avec les milieux régionaux et ruraux, le groupe se mobilise dans les années 1990 pour faire reconnaître son activité scientifique. Le GRIDEQ est ainsi à l’origine d’un ensemble d’initiatives visant à organiser les études régionales, au sein de l’UQAR (création d’un doctorat conjoint UQAR-UQAC en 1996, création de deux chaires de recherche du Canada au début des années 2000), et au-delà, avec le lancement en 1993 d’une section scientifique permanente de développement régional au sein de l’ACFAS, puis la création, en 2003, du Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT), en partenariat avec quatre autres établissements de l’Université du Québec.

Par ailleurs, la réflexion intellectuelle du GRIDEQ sur le développement régional se poursuit. Les concepts, adaptatifs et dynamiques, de territoire et de territorialisation remplacent de plus en plus les notions de région et de développement, anciennes mais plus ambiguës. Ce renouvellement des concepts autorise à relire le développement régional en termes de développement territorial, c’est-à-dire en fonction de la diversité des facteurs qui caractérisent un espace et des mobilisations menées par les acteurs dans leur entreprise de développement collectif. Cela se concrétise dans divers objets spécifiques, qui, tous, mettent en valeur la place des acteurs dans le devenir des sociétés territoriales et convergent vers l’affirmation d’un nouveau paradigme du développement : les dynamiques de l’innovation productive (Serge Côté), l’économie sociale en région (Carol Saucier), les nouvelles politiques de développement des territoires (Bruno Jean et Danielle Lafontaine), les mobilisations sociales sur les territoires (Hugues Dionne, Raymond Beaudry et Nicole Thivierge). Plusieurs ouvrages illustreront la portée scientifique de cette démarche, en particulier Territoires et fonctions (GRIDEQ, 2005) et Sciences du territoire (Presses de l’Université du Québec, 2008).

2005 à aujourd’hui

Une troisième période s’ouvre dans la seconde moitié des années 2000 avec l’arrivée au sein du GRIDEQ d’une nouvelle génération de chercheurs. Si ces derniers entretiennent généralement un rapport assez libre avec les positions antérieures du groupe, ils en reprennent les ambitions. Tout en conservant des liens avec les milieux régionaux, ils investissent les dispositifs de recherche existants, tels le CRDT et la Chaire de recherche du Canada en développement régional et territorial, la Chaire en transport maritime, ou d’autres de création plus récente, en particulier les Alliances de recherche universités-communautés (ARUC-Développement territorial et coopération et ARUC-Défis des communautés côtières à l’heure des changements climatiques).

Une partie de l’équipe formée de chercheurs et étudiants ayant travaillé à une étude associée à l’évaluation environnementale stratégique sur le gaz de schiste, de gauche à droite: Raymond Beaudry, Danie Royer, Marie-José Fortin, Sylvain Cossette, Ève Devault. Photo : Nicolas Devaux

Les recherches menées par les membres du GRIDEQ parient aujourd’hui sur les moments dynamiques des territoires, durant lesquels les acteurs se saisissent des ressources et des contraintes des espaces pour tenter d’infléchir leurs trajectoires historiques. La définition des acteurs et des territoires se veut plus inclusive que jamais, le jeu des échelles, des rapports sociaux et des projets en présence qualifiant les territoires en tant que lieux de complexité, de conflits, mais aussi d’un changement social sur lequel les acteurs locaux peuvent influer. Dans le prolongement des travaux de Bruno Jean sur la ruralité, ce sont ces dynamiques fines qui sont mises en valeur depuis quelques années dans différentes analyses émergeant autour de la gestion intégrée de la zone côtière (Steve Plante et Emmanuel Guy), de l’ancrage territorial des communautés dans le secteur forestier ou face aux grands projets (Nathalie Lewis et Marie-José Fortin), des recompositions du monde agricole (Mario Handfield), de l’épistémologie du développement régional (Yann Fournis), des dynamiques territoriales autour de l’action publique, en termes de santé publique (Geneviève Brisson) ou d’intégration sociale des populations (Marco Alberio).

Dans une société souvent dite de la connaissance, la combinaison des missions traditionnelles du GRIDEQ reste plus que jamais un défi : construire des liens forts avec les milieux environnants sans se couper des impératifs de la recherche scientifique. Cette ambition de produire une recherche ancrée dans son milieu est sans doute la clé de voûte de l’œuvre du GRIDEQ, une définition simple mais exigeante des études régionales à Rimouski, dessinée dès 1975 : ce « quelque chose de nouveau à apporter au monde scientifique » (GRIDEQ, 1975: 9).

Pour en savoir plus

Fournis Y. (2012) « Le développement territorial entre sociologie des territoires et science régionale : la voix du GRIDEQ », Revue d’économie régionale et urbaine, décembre, 4 : 533-554.

Fournis Y. (2012) « Penser la ruralité et son développement au GRIDEQ entre 1970 et 2000 : du mouvement social localisé à la construction symbolique des communautés territoriales », Cahiers de Géographie du Québec, vol. 56, n°157, 153-172.

Direction du cahier : Marie-José Fortin

Adjointe : Nancy Gagné

Révision des textes : Luc Gobeil

Rédacteur en chef : Marc Simard

Montage et graphisme : Julien Boisvert

Le GRIDEQ tient à remercier l’équipe des communications de l’UQAR.

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