
Laurence Lola Veilleux vient de faire paraître, aux éditons Poètes de brousse, son premier recueil de poésie Chasse aux corneilles. Une œuvre forte dont le tableau de chasse se divise en sept segments ou en sept noms de femmes.
Des traces récurrentes telles que l’éclatement, le rapport trouble au corps, la sexualité et la rupture – surtout présente dans le passage de l’enfance à la vie adulte – sillonnent cette œuvre. La poésie de Laurence Lola Veilleux est à la fois poignante et troublante. On sent un certain ton naïf, mais un propos dense : « Quand j’étais petite j’ai fini par grandir / mes vêtements roses / se déchiraient sur ma peau boursoufflée ». Dans la première partie, « Lola », camouflé dans la marge, le lecteur épie une femme qui se définit et qui prend contact avec le monde à travers son corps. Les vers s’enchaînent et nous happent avec l’intensité des images qui se répondent en jouant constamment avec les contrastes : « je me décuplais en miettes brillantes / sur le visage des poupées de porcelaine / qui hantaient les coins sombres de mes chambres. » L’écriture par fragments et le fait de faire cohabiter lumière, enfance et noirceur témoignent de la fougue de l’imaginaire de cette écrivaine de la relève.
Dans le segment « Madeleine », la poésie prend l’essence de la prose en présentant le village de Saint-Benjamin et l’évolution de la narratrice entre 14 et 19 ans. Sa 18e année brille cependant par son absence. Âge déjà trop connoté peut-être? « Madeleine » raconte une vie embrumée par la dépression, l’alcool et les problèmes psychiatriques.
Suit une Lilith assaillie par le sexe qui se répand jusque dans les murs. C’est froid, ça pue la charogne, on le sent presque à travers les pages comme s’il y avait un collant odorant à gratter. Malgré tout, on sent aussi la femme blessée qui s’acharne sur elle-même : « je suis partie trop vite encore / maudite conne / maudite maudite maudite / maudite maudite maudite maudite conne. »
Le recueil Chasse aux corneilles se déploie dans l’intensité : Laurence Lola Veilleux manipule avec brio la tension, autant dans la psyché de ses personnages que dans la forme de ses fragments poétiques, en y opposant la douceur des mots qui créent des images troublantes. Une première œuvre avec une voix aussi singulière que ses thèmes : il est évident que le tableau de chasse de Laurence Lola Veilleux ne restera pas immaculé.