
En mai 2014, la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEC-CSQ) a lancé une campagne de revalorisation de la profession. Cette campagne intitulée par dérision Les gras durs (www.lesgrasdurs.ca) cherche à combattre les préjugés abondants qui dessinent un portrait caricatural des enseignants. Espérons que cette stratégie fonctionne. Toutefois, aujourd’hui, quelle que soit la profession ou le milieu de travail, les préjugés négatifs sont une mode et aucun métier n’échappe à cette vague de mépris et de dévalorisation. Étrangement, d’un côté, on survalorise le travail et l’argent, tout en s’acharnant, de l’autre, sur les travailleurs et sur l’argent que ces derniers font ou feraient. Dans ce contexte, nous, les profs de cégep, serions des « gras durs », surpayés si l’on considère le peu d’heures de travail que nous effectuerions, nos longues vacances, nos avantages de tout ordre, dont notre retraite.
Dans notre profession d’enseignants et d’enseignantes, que beaucoup exercent avec passion et dévouement, nous donnons beaucoup : nous donnons des mots pour nommer le monde, des connaissances pour le comprendre, des méthodes pour avoir une prise sur lui, des espérances pour le rêver et ce qu’il faut aussi d’inquiétude pour rester vigilants. Nous donnons aussi du temps, beaucoup de temps, pour préparer et donner des cours (recherche, formation, planification), pour évaluer, pour rencontrer nos élèves, pour travailler en collaboration avec nos collègues à l’élaboration et à l’amélioration des cours et des programmes et j’en oublie. Mais les heures supplémentaires ne sont jamais prises en compte, pas même par nous.
Par ailleurs, la société nous confie des jeunes gens au seuil de la vie adulte et notre métier nous semble essentiel puisqu’il s’agit pour nous de les accompagner dans ce passage. Les enseignants, en préparant les étudiantes et les étudiants à exercer une profession, ont en tête les obligations de savoir, de sécurité, de professionnalisme aussi, toutes choses nécessaires aux milieux auxquels ils se destinent. Et nous sommes conscients de notre responsabilité puisque la qualité de l’enseignement aura une incidence sur la société de demain.
Afin de décrédibiliser nos revendications, certains ont affirmé que nous aurions voulu mousser nos demandes en affirmant travailler plus fort que nos collègues du primaire ou du secondaire, manifestant ainsi un mépris certain envers ces derniers. Mais nous n’avons jamais pensé ainsi. Ce que nous signalons, par contre, c’est que nous sommes tenus à une plus grande autonomie, entre autres parce que le contenu de nos cours n’est pas conçu par le ministère de l’Éducation, seules les grandes lignes sont dessinées. De plus, nous devons élaborer nos programmes, les évaluer et assurer leur actualisation. Réduire le travail des professeurs, quel que soit leur ordre d’enseignement, aux seules heures de cours est un raccourci menteur.
En ce moment, plus de 54 % des professeurs du collégial sont à statut précaire, avec ce que cela comporte de stress. Par ailleurs, le contexte dans lequel nous enseignons a beaucoup changé au cours des dernières années, sans doute parce que la tentation de la « marchandisation de l’éducation » augmente encore les objectifs de « rendement » scolaire, comme si l’école était une usine à finissants, produisant le « capital humain » de demain. Enfin, de nouvelles réalités surgissent auxquelles nous devons nous adapter rapidement. Je pense, entre autres, aux nouvelles technologies, mais aussi et surtout aux élèves aux besoins particuliers.
Lorsqu’on écoute le discours de certains, on réalise que plusieurs entretiennent encore et toujours une perception négative des cégeps. Pourtant, les professeurs, afin d’assumer leur tâche tout en répondant aux nouvelles réalités, travaillent de plus en plus. Il faudra un jour que cela soit reconnu!