Actualité

La petite histoire des pauvres en information

Par Virginie Cimon le 2014/07
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La petite histoire des pauvres en information

Par Virginie Cimon le 2014/07

Transcontinental Inc. mettra bientôt en branle une opération de vente de 34 journaux régionaux, une situation qui lui est imposée par le Bureau de la concurrence du Canada. Au terme des 60 jours que durera l’opération, l’avenir de six journaux bas-laurentiens et gaspésiens sera scellé. La Voix de la Matanie, La Voix Gaspésienne, Le Courrier du Fleuve, Le Progrès Écho, Le Rimouskois et Le Riverain risquent tous d’y laisser leur peau, faute de repreneurs.

Or, dit-on, c’est pour le bien de la société rurale québécoise qu’on a imposé à Transcontinental ces mises en vente, afin qu’elle préserve une « saine concurrence médiatique ». Enfin quelqu’un quelque part qui donne au moins l’impression de s’intéresser à notre bien-être intellectuel et culturel. En réalité, il y a longtemps que nos gouvernements, au provincial comme au fédéral, ont cessé de voir l’accès à l’information comme un droit, comme un prérequis à l’exercice de la citoyenneté.

Ne faisons pas l’erreur de croire que nous sommes dans la norme, que l’information est partout calculée selon sa valeur marchande. Le Canada est parmi les pays de l’OCDE qui ont les niveaux de concentration médiatique les plus élevés. Le Québec fait aussi figure d’exemple : l’absence de politiques et de lois pour limiter la concentration des médias dans la province a mené à une situation sans précédent.

Nous avons les deux pieds dans ce qu’on pourrait appeler le nouvel ordre régional de l’information et des communications. Que diriez-vous si on vous apprenait que nous, les résidants des régions éloignées québécoises, sommes les « pauvres » dans le cycle de l’information au Québec? Vous diriez que vous avez accès aux ressources médiatiques autant que n’importe qui. Mais la logique du partage de la richesse va bien au-delà de ça : il y a aussi l’iniquité des échanges. C’est vrai, tout est à notre disposition pour que nous recevions notre portion recommandée d’informations quotidiennes. Mais qui détermine le contenu de notre assiette? En grande majorité, ce sont des médias montréalais. Et nous, avons-nous un contrôle sur ce qui se trouve dans la leur? Niet, nada, aucun. Ils donnent, nous recevons. Et c’est là tout le drame de la pauvreté informationnelle dans laquelle nous nous trouvons.

En résumé, le concept de « pauvreté informationnelle » a fait son apparition à l’UNESCO en 1970, quand on s’est aperçu que la mondialisation avait entraîné des impacts qu’on avait jusque-là négligés. On a constaté que les pays développés nourrissaient en informations les populations des pays en développement dans un rapport malsain, puisque ces dernières n’étaient pas en mesure de fournir un retour équitable. Par ce Nouvel Ordre Mondial de l’Information et des Communications (NOMIC), la domination culturelle vint à remplacer la colonisation.

De la même façon, dans la réalité des échanges québécois, nous sommes les dominés. Jour après jour, on nous « montréalise ». Certes, il est normal que les grands centres envoient l’information vers les périphéries, qui elles en renvoient peu en retour : c’est une question de taille. Néanmoins, pour ne pas se faire complètement absorber par les diffuseurs d’information (et leur culture), une arme est à la portée des périphéries : les médias locaux et régionaux. Ces remparts, les seuls que nous ayons, sont aujourd’hui menacés, les uns de fermeture, les autres de perdre en qualité vu l’éventuelle absence de compétition.

C’est avec ces yeux que nous devons considérer la possibilité de perdre des journaux régionaux. Avec le regard de celui qui sait que ce qu’il a à perdre est d’autant plus précieux que c’est tout ce qu’il possède.

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