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La longue bataille pour la reconnaissance des sages-femmes

Par Marie-Ève Giroux le 2014/07
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La longue bataille pour la reconnaissance des sages-femmes

Par Marie-Ève Giroux le 2014/07

La lutte pour la reconnaissance des sages-femmes au Québec s’inscrit dans une longue lignée de luttes collectives du mouvement des femmes et est fortement liée aux revendications concernant l’humanisation des naissances et la réappropriation du pouvoir des femmes sur leur santé. Elle s’est déroulée sur de nombreuses années, soit principalement de 1975 à 1999, année marquant la reconnaissance légale officielle de la profession de sage-femme au Québec.

Vers la fin des années 1970, en Europe et en Amérique du Nord, des groupes issus du mouvement féministe commencent à s’interroger sur la modernisation « technomédicale » des pratiques en périnatalité qui s’est mise en place au tournant des années 1950. Ces derniers remettent en cause l’hégémonie du savoir expert sur le corps des femmes et l’emprise biomédicale sur la maternité, donnant lieu à un mouvement d’humanisation de la naissance et de démédicalisation de l’accouchement. C’est dans la foulée de ce mouvement que refait surface l’intérêt pour l’allaitement maternel et celui pour les sages-femmes.

Entre 1975 et 1990, on assiste à l’émergence et à la montée des revendications pour la reconnaissance des sages-femmes au Québec. Des groupes réclamant l’humanisation des soins à la naissance sont alors mis sur pied, des associations de sages-femmes sont créées et un comité de travail sur la pratique sage-femme est mis en place par le Conseil du statut de la femme. En 1980, onze colloques régionaux sous le thème « Accoucher ou se faire accoucher », organisés par l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ), mobilisent 10 000 personnes revendiquant la réactivation de la pratique sage-femme, ainsi que l’humanisation des naissances par la mise sur pied de chambres et de maisons de naissance.

Dès 1985, un premier comité interministériel, chargé d’étudier la possibilité de reconnaissance de la pratique sage-femme, recommande son officialisation. Le gouvernement mène alors une vaste consultation sur un projet de politique en périnatalité axé sur l’humanisation des naissances et le développement de ressources parallèles, dont les sages-femmes et les maisons de naissance. En 1987, un comité de travail gouvernemental recommande la légalisation de la pratique sage-femme. L’Office des professions du Québec se dit alors prêt à reconnaître cette profession si elle est légalisée.

Les années 1990 à 1999 sont marquées par l’expérimentation de la pratique sage-femme.

Cette phase représente une période cruciale de la lutte, donnant la possibilité aux sages-femmes de faire leurs preuves à travers des projets-pilotes. En 1990, la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes (loi 4) est adoptée par l’Assemblée nationale. Cette loi semble destinée notamment à amadouer les médecins et leurs associations qui sont alors très réfractaires à toute forme de reconnaissance de la profession de sage-femme.

Cette phase représente une période cruciale de la lutte, donnant la possibilité aux sages-femmes de faire leurs preuves à travers des projets-pilotes.

À partir de 1993, les premiers projets-pilotes sont mis en place et les premières sages-femmes reçoivent leur accréditation, après avoir suivi un programme d’actualisation et d’intégration à l’UQTR. Durant cette période d’expérimentation, huit maisons de naissance sont mises en place dans différentes régions du Québec. En 1995, le Regroupement Les Sages-femmes du Québec (RSFQ), association professionnelle, est créé. Différents groupes poursuivent également leur travail visant à promouvoir la légalisation de cette pratique, le choix des lieux de naissance et la formation de nouvelles sages-femmes.

Au cours de ces années, plusieurs médecins se positionnent contre la légalisation de la pratique sage-femme et les associations médicales refusent longtemps toute collaboration aux projets-pilotes. En 1996, les associations médicales effectuent cependant un changement de cap et adoptent une position un peu plus ouverte face à la reconnaissance des sages-femmes. Puis, en 1997, le rapport final d’évaluation des projets-pilotes recommande de reconnaître officiellement cette profession.

C’est finalement en 1999 qu’on assiste à la légalisation et à la reconnaissance officielle de la profession de sage-femme au Québec après plusieurs années de luttes et de revendications de différents groupes. La Loi sur les sages-femmes (loi 28) permet alors la constitution d’un ordre professionnel, définit les limites de la pratique de la profession, vise l’intégration des sages-femmes au réseau de la santé et légalise l’autonomie de la profession de sage-femme. L’Ordre des sages-femmes du Québec est alors créé et un programme de baccalauréat en pratique sage-femme débute à l’UQTR.

Au cours des années, plusieurs éléments ont contribué au succès de cette lutte qui fut longue et ardue, soit le nombre important d’alliés, tels les groupes de femmes, syndicats, intervenants du milieu de la santé, chercheurs; l’ouverture du système politique et l’opinion favorable de plusieurs politiciens et gouvernements, tous partis confondus; le positionnement de la lutte dans un mouvement social plus large: le mouvement des femmes; l’intervention favorable des médias, des sondages et des recherches. Néanmoins, malgré ce succès important, plusieurs enjeux et résultats concrets demeuraient encore à gagner en 1999; d’autres avancées se feront donc dans les années subséquentes, alors que certains enjeux demeurent encore d’actualité de nos jours.

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