
Selon le Regroupement Naissance-Renaissance, « En Amérique du Nord, au XXIe siècle, des milliers de femmes témoignent chaque année de souffrances et d’effets de violence vécus lors d’accouchements ». En effet, le contexte social nord-américain de surmédicalisation des naissances expose les femmes à une violence systémique. En 2007, le Vénézuéla a été le premier pays à nommer ce phénomène dans un article de loi. La « violence obstétricale » n’est pas un terme qui est socialement reconnu au Québec, mais ce n’est pas parce que cette violence n’existe pas ici. Selon la définition vénézuélienne, il s’agit de : « L’appropriation du corps et du processus reproducteur des femmes par les personnes qui travaillent dans le domaine de la santé, appropriation qui se manifeste sous les formes suivantes : traitement déshumanisé, abus d’administration de médicaments et conversion de processus naturels en processus pathologiques. Cela entraîne pour les femmes une perte d’autonomie et de la capacité à décider en toute liberté de ce qui concerne leur propre corps et sexualité, affectant négativement leur qualité de vie1. »
Saviez-vous que la pire position pour accoucher est sur le dos, en position dite « gynécologique »?
Les pratiques obstétricales actuelles sont vécues comme de la violence par plusieurs femmes et on en parle de plus en plus. Le magazine féministe Planète F signait récemment un excellent dossier : « Bébés en santé, maman violentée? » On y dénonçait que « des pratiques obstétricales courantes dans les hôpitaux du Québec contreviennent aux guides de pratique des associations professionnelles, aux preuves scientifiques, au code de déontologie de la médecine, à l’éthique médicale, et même au Code civil. »
Par exemple, des interventions obstétricales pratiquées de façon routinière par le personnel du milieu de la santé peuvent être violentes, sans même que ce soit volontaire, ni conscient, de la part du personnel. Attardons-nous un instant à quelques interventions pratiquées de façon routinière. Saviez-vous que la pire position pour accoucher est sur le dos, en position dite « gynécologique »? Pourtant, selon une enquête de l’Agence de la santé publique du Canada publiée en 2009, plus de 70% des femmes québécoises vont accoucher les pieds dans les étriers. Instinctivement, à moins d’être faible, fatiguée ou malade, une femme ne s’allongera que très rarement dans cette position. Selon plusieurs études, la position gynécologique est une position très inconfortable, douloureuse et qui allonge la durée du travail. La raison : elle affecte le débit sanguin dans l’utérus, ce qui peut mettre en danger le déroulement de l’accouchement. La position gynécologique réduit aussi l’intensité des contractions et gêne donc l’évolution du travail. Les positions debout et couchée sur le côté sont associées à une intensité et à une efficacité supérieures des contractions. On se demande alors pourquoi cette position douloureuse a été systématisée dans le milieu médical. Des chercheurs avancent l’hypothèse selon laquelle la position couchée a été adoptée par le milieu médical tout simplement parce que c’est la position la plus confortable pour le personnel soignant et qu’elle facilite les interventions, telles que les touchers vaginaux, la pose du moniteur, l’insertion de soluté et autres.
Un autre exemple de pratique courante qui est contraire aux données scientifiques concerne les touchers vaginaux. Durant l’accouchement, de nombreuses personnes – médecins, résidents, nouveaux personnels – vont généralement insérer leurs doigts dans le vagin de la femme en travail, et ce, à de nombreuses reprises. Pourtant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de minimiser le plus possible les touchers vaginaux. Dans Routine vaginal examinations for assessing progress of labour to improve outcomes for women and babies at term, les auteurs Downe, Gyte, Dahlen et Singata s’étonnent qu’une « intervention soit utilisée de façon aussi systématique sans aucune preuve de son efficacité, particulièrement considérant la nature « sensible » de la procédure pour les femmes qui la reçoivent et le potentiel de risques dans certaines circonstances, comme l’accouchement ». On ignore si la technique est efficace, on connaît en revanche très bien les effets néfastes : ralentissement ou arrêt de la progression du travail, risques accrus d’infections, risques de rupture accidentelle des membranes, inconfort, détresse psychologique.
Le monitorage foetal pose également problème. L’appareil utilisé est habituellement installé sur la femme, avec pour objectif de surveiller le rythme cardiaque du bébé, et ce, dès le début de son travail. Toutefois, il est démontré qu’il y a une incidence marquée de « fausse lecture » de l’appareil. Cette intervention a également pour effet de restreindre les femmes dans leurs mouvements. Or, la possibilité de se mouvoir est une des conditions essentielles au bon déroulement d’un accouchement physiologique. L’utilisation du moniteur est souvent l’excuse pour confiner les femmes au lit puisqu’une fois celui-ci installé, il n’est plus possible de bouger. Pourtant, depuis les années 1980, des études démontrent que « le travail peut être ralenti par la combinaison de l’inactivité et de l’anxiété générée par la pose de l’appareil, et ce ralentissement peut en conséquence mener à des interventions obstétricales pour accélérer le travail ». Selon un rapport de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), publié en 2012, le monitorage foetal ne devrait pas être utilisé de façon systématique. Pourtant, la pratique persiste. Plusieurs autres interventions obstétricales telles que l’induction, l’épisiotomie et d’autres encore posent problème. Il importe de s’interroger sur l’utilisation de ces interventions, puisqu’elles ne sont pas anodines et peuvent être traumatisantes pour les mères et avoir un impact négatif sur l’expérience d’accouchement.
- Rogelio Pérez D’Gregorio, Obstetric violence: A new legal term introduced in Venezuela, International Journal of Gynecology & Obstetrics, Vol. 111, Issue 3, December 2010.