Le blogue du rédac

Voir plus loin que le bout de son autobus!

Par Pierre-Luc Morin le 2014/06
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Le blogue du rédac

Voir plus loin que le bout de son autobus!

Par Pierre-Luc Morin le 2014/06

Dans cette nouvelle section, le rédacteur en chef du Mouton Noir, Marc Simard, partage avec les lecteurs ses coups de gueule, des textes coup de cœur de collaborateurs et encore plus…

Cette semaine, il vous invite à monter à bord du texte de Pierre-Luc Morin du Bic (Rimouski) relatif sur les projets de réduction de service chez Orléans Express/Kéolis.

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L’avenir est petit… et l’avenir, c’est maintenant! Œuvre de la défunte compagnie d’autocars Acadian, ce slogan, qui se voulait empreint de positivisme, accompagnait la photo d’un nouveau type d’autobus aux humbles dimensions sur une affiche qui trônait toujours à l’entrée du terminus de Moncton… à quelques semaines de sa fermeture! Une scène qui avait de quoi laisser songeur le voyageur qui s’y attardait et qui illustre bien à quel point, même avec plein de bonne volonté, il n’est pas toujours facile d’offrir des services de transport en commun en régions.

Plus près de nous, si l’achalandage à la hausse de nos Citébus et Taxibus fait peu à peu taire les sceptiques de la dernière refonte du réseau rimouskois de transport en commun, tout n’est pas rose pour autant pour les « sans-voitures » de l’Est-du-Québec. Loin de là. Après des baisses quantitatives et qualitatives dans les services de transport offert par la MRC de Rimouski-Neigette et chez VIA Rail, voilà qu’une nouvelle tuile – gracieuseté d’Orléans Express – menace nos têtes…

Ce genre de nouvelle était certes attendu. Après de vaines tentatives d’éliminer un des allers-retours entre Rimouski et Sainte-Anne-Des-Monts, le transporteur n’avait en effet pas caché qu’il planchait sur une refonte complète de son réseau. L’ampleur des compressions annoncées en a par contre laissé plus d’un sans mot. Réduction du nombre de départs, disparition complète de certaines lignes et abolition des services locaux (oui, les « runs de lait »!), mais aussi le passage à des billets « datés » (actuellement, ils sont valides pendant un an), ce qui, entre autres, compliquerait l’accès aux avantageux tarifs allers-retours. En guise de compensation, Orléans Express a affiché son ouverture à établir des partenariats avec des transporteurs régionaux qui seraient prêts à prendre la relève dans les communautés laissées sans service. Bref, une stratégie qui consiste à miser sur ce qui est payant et refiler à d’autres ce qui ne l’est pas!

Ce n’est plus un secret : depuis 2008, l’achalandage est en baisse constante dans l’ensemble du réseau d’Orléans Express, au point où les profits de jadis font maintenant place à des pertes. Que faire, que dire, quoi réclamer, face à une telle situation? Avant toute chose, il faut bien comprendre le contexte afin de faire les bons choix. Tout d’abord, il faut savoir que les compagnies d’autocars ne bénéficient pas de subventions, si ce n’est, comme pour les automobilistes, l’accès à des routes et autoroutes gratuites. Leurs opérations sont aussi rigoureusement encadrées, ainsi, le droit exclusif d’opérer une « route » payante est assorti de l’obligation de desservir une région où il n’y a que très peu d’espoirs de rentabilité… Il est aussi bon de savoir que, un peu comme pour nos libraires et nos disquaires, pour qui une bonne part des ventes proviennent souvent d’un petit pourcentage des titres en inventaire, une bonne part de l’achalandage du transport interurbain par autobus provient d’un petit pourcentage des localités inscrites sur les horaires. Ajoutons à cela que pour offrir des temps de parcours plus courts, des autobus express, d’une grande ville a une autre, roulent souvent en parallèle des autobus dits locaux, avec pour conséquences que ces derniers sont souvent très peu achalandés.

De deux maux, on choisit le moindre… Avoir accès à un choix restreint de départs n’a certes rien de réjouissant, mais c’est tout de même mieux que rien! Il serait donc plus équitable, plutôt que de couper aveuglément les autobus les plus vides, de sacrifier en premier lieu les services express. Leur clientèle viendrait ainsi consolider celle des services locaux. La manœuvre allongerait un peu les temps de parcours de certains utilisateurs, mais ce serait tout de même moins dramatique que de laisser la majorité des villages sans aucun service. Sans oublier que la solution alternative proposée par Orléans Express, soit obliger les voyageurs à faire des transferts vers des transporteurs régionaux pour rejoindre les petites communautés rallongerait énormément les temps de parcours des personnes touchées. En raison de leurs réseaux qui rayonnent à partir de pôles urbains selon un horaire pensé en fonction des travailleurs, des étudiants et des rendez-vous médicaux, alors que le transport interurbain est linéaire et roule de jour comme de nuit, le mariage apparaît particulièrement difficile. En fait, le seul avantage que semble présenter cette approche, c’est que cette offre de transport relève généralement des MRC ou d’organismes sans but lucratif, qui sont eux admissible à des subventions que ne peut espérer toucher Orléans Express. On est par contre en droit de se demander si faire rouler un minibus ou un taxi collectif devant et derrière chaque autocar est la façon la plus efficace de soutenir le transport en commun en régions… Le système de réservation de places que désire instaurer Orléans Express, bien qu’il ferait perdre une simplicité et une souplesse d’utilisation appréciées des usagers de l’autocar, pourrait en contrepartie permettre d’améliorer l’efficacité des services locaux en évitant les arrêts inutiles. Il ne faut pas oublier que la plupart des villes desservies par Orléans Express le sont aussi par VIA Rail. Une meilleure redistribution train/bus des voyageurs pourrait probablement permettre de retrouver un départ par jour, voir éventuellement un départ de jour et un autre de nuit, de ce mode de transport mieux adapté aux longs trajets par son niveau de confort et de service ainsi que sa plus grande fiabilité en hiver. Bref, que nos trains alimentent nos autobus locaux et vice-versa… et ainsi de suite! Quant à nos MRC, offrir des solutions de mobilité aux résidents des communautés de l’arrière-pays est déjà un beau défi en soit. Nul besoin d’alourdir encore davantage leur fardeau!

L’espoir renaît. C’est là la devise du Nouveau-Brunswick, mais y en a-t-il encore pour nous? Deux ans avant nous, cette province, tout comme la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard, a traversé les mêmes problèmes. S’étant vue refuser les assouplissements réclamés, la compagnie d’autocars Acadian (qui appartenait au Groupe Orléans Express) avait finalement mis la clef dans la porte. Une toute nouvelle compagnie, Maritime Bus, reprenait toutefois dès le lendemain l’ensemble du réseau… et même des routes qui avaient déjà été abandonnées! Née sur de nouvelles bases visiblement plus légères, la jeune entreprise s’est empressée d’établir un partenariat avec VIA Rail afin de partager les gares de Moncton et Halifax. Une façon pour les deux transporteurs de réduire leurs coûts d’opérations, mais aussi de favoriser l’intermodalité des transports. Bref, miser sur leur complémentarité et s’entraider plutôt que de se voir comme des compétiteurs! Une bonne attitude dont nous devons tirer des leçons. Nos transporteurs doivent cesser de ne penser qu’à se « voler » des parts de marché et travailler ensemble dans une vision globale qui comprend aussi le transport actif. Offrir des stationnements intérieurs sécurisés pour vélos dans les gares devrait être un réflexe aussi naturel que d’offrir des cases asphaltées aux automobilistes, tout comme regrouper les terminus près des centres-ville. Nous aussi, simples citoyens, avons notre bout de chemin à faire, que ce soit déboulonner ce mythe, encore bien ancré, que nos voitures sont des symboles d’efficacité ou bien apprendre à bien utiliser nos transports en commun existants plutôt que de les subir maladroitement avec dépit. Débattre d’un possible financement public aussi, comme on le fait déjà dans le domaine maritime (Relais Nordik pour la Basse-Côte-Nord, traversier de Rivière-Du-Loup…) Sans oublier de se faire entendre aux auditions de la Commission des transports du Québec en août prochain, non pas pour simplement s’opposer, mais bien pour proposer des idées nouvelles. Gardons en tête que plus nos routes sont utilisées, plus elles nous coûtent cher alors que plus nos transports en commun sont achalandés, plus ils se rapprochent de la rentabilité. Nous avons tous avantage à bonifier nos transports en commun… même le plus irréductible automobiliste!

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