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Pour qui sonne le glas?

Par Pierre Landry le 2014/05
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Pour qui sonne le glas?

Par Pierre Landry le 2014/05

Tout compte fait, les libéraux auront connu une victoire facile lors des dernières élections provinciales. Il est en effet aisé de triompher d’un adversaire lorsque tout ce qu’on a à faire, c’est de brandir le spectre d’un monstre virtuel qui pourrait éventuellement, à une date indéterminée et non mesurable, sortir de son placard pour venir semer la pagaille dans les chaumières et l’effroi dans les campagnes. C’est une lutte tout à fait dans l’esprit du temps à laquelle nous avons assisté : un ennemi imaginaire, à l’image des créatures numériques qui inondent nos écrans, appelé à se battre contre le monde réel affublé pour la circonstance d’un nom évocateur : les vraies affaires.

Attendu qu’on en aura si peu parlé, finalement, des « vraies affaires » – alors qu’on a tellement élucubré sur le « monstre » –, je crois qu’il est de mise de s’y attarder un peu. Il faudrait dans un premier temps établir un bilan, en date d’aujourd’hui. Un bilan très terre à terre : nombre d’heures d’attente dans les urgences, taux de décrochage scolaire, montant de la dette, déficit budgétaire réel et anticipé, situation du français à Montréal, quantité des demandes d’accommodement raisonnable et degré de pénétration d’un islamisme intégriste, création d’emplois, état des infrastructures, niveau de dégradation de l’environnement, redevances liées à l’exploitation des ressources naturelles, force et représentation du Québec au sein de l’État fédéral, santé des organismes à vocation culturelle et humanitaire, nombre de sans-abri et écart médian entre les plus riches et les plus pauvres, salubrité des mœurs politiques, étanchéité entre le public et le privé, etc. Puis, il faudrait, dans quatre ans, refaire ce même bilan en utilisant des paramètres identiques. Alors seulement saurons-nous si ce gouvernement s’est de fait occupé des « vraies affaires » et, surtout, comment il s’en est occupé. Et cette fois, impossible de jeter le blâme sur autrui : il serait mal venu de prétendre que le mode de gouvernance péquiste a pu avoir un impact significatif sur les affaires publiques alors que cet intervalle de quelque 18 mois se situe au cœur d’une séquence de 13 ans de pouvoir libéral.

Il est (relativement) facile de gérer un État ou une province lorsque son identité et sa langue se confondent avec celles de l’océan qui l’entoure. Ce n’est pas le cas du Québec. Le « mainstream » creuse ici son lit et fait son œuvre alors que la politique du laisser-aller et du laisser-faire s’avère la plus facile, la plus « politiquement correcte », la moins contraignante et malheureusement, semble-t-il, à la suite des dernières élections, la plus « vendeuse » sur cette ultime parcelle d’une présence francophone en terre d’Amérique. Ceux et celles qui montent au front pour défendre ce que certains qualifient « d’indéfendable » méritent tout notre respect, même s’ils le font maladroitement. L’aveuglement volontaire n’aura jamais pour conséquence qu’un enlisement plus profond au cœur des sables mouvants de problématiques sociétales bien réelles dont les impacts négatifs n’iront qu’en s’accroissant. On peut citer Stephen Harper, qui fait si peu de cas de la dégradation de l’environnement et du réchauffement climatique. Devra-t-on penser la même chose de Philippe Couillard pour ce qui est de la pérennité d’un Québec laïque et francophone?

Ce n’est pas le spectre d’un référendum appréhendé qui jaillira un jour du placard, mais celui bien réel de notre acculturation, de l’assimilation et de la folklorisation de notre culture. Ils ont beau jeu, ceux qui voient dans le projet de souveraineté du Québec un repli identitaire, un désir pathologique de revanche sur l’histoire, une posture pathétique face aux impératifs dictés par les « vraies affaires ». N’empêche qu’au bout du compte, c’est vraisemblablement Durham qui aura eu raison. L’émissaire britannique aurait sans doute souhaité que l’assimilation soit plus rapide. Mais qu’importe le délai pourvu que la victoire soit définitive!

M. Couillard, maintenant que vous avez, vous aussi, les deux mains sur le volant, allez-vous être le dernier à mettre le pied sur l’accélérateur?

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