
Depuis plusieurs mois, les élus des municipalités du Kamouraska sont courtisés pour prendre position dans le dossier de la construction de l’oléoduc de TransCanada et de son passage sur le territoire. Ce projet vise l’acheminement du pétrole de l’Alberta pour desservir l’est du Canada, mais surtout pour l’exportation outre-mer.
L’oléoduc du promoteur TransCanada se déploierait dans la partie sud de la MRC du Kamouraska pour gagner rapidement le Témiscouata et Saint-Jean au Nouveau-Brunswick. Plus épais que le pétrole conventionnel, le pétrole des sables bitumineux doit être dilué avec des produits toxiques (benzène, toluène, etc.), ce qui augmente les risques en cas de fuite. Bien que la zone où serait installé l’oléoduc soit peu habitée, elle reste néanmoins fragile sur le plan environnemental. TransCanada signale, sur son site Web, qu’elle pourrait être en mesure de fermer rapidement la canalisation en cas d’incident et d’isoler le tronçon touché en quelques minutes. Le scénario idyllique présenté par TransCanada est toutefois loin de la réalité d’accidents survenus ailleurs.
Quelques principes
Une séance d’information se tenait le 8 août dernier à Mont-Carmel et réunissait plus de 200 personnes : des citoyens, plusieurs élus du monde municipal et le député fédéral, M. François Lapointe. Des conférenciers d’Équiterre et de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique étaient également sur place. Les questions ont été nombreuses. Il faut retenir certains grands principes qui ont émergé des discussions.
- L’oléoduc ne réduira pas la circulation de wagons-citernes sur la voie ferrée traversant le Kamouraska. L’oléoduc va transporter du pétrole venant de l’Alberta vers l’est du Canada tandis que le transport par rail du pétrole de schiste américain (provenant du Dakota du Nord) va continuer et s’amplifier. Il s’agit de deux types de pétrole utilisant des voies différentes pour circuler. Par ailleurs, TransCanada ne dispose pas d’assurance responsabilité en cas d’accident parce que, dit-elle, la valeur de ses actifs est suffisante pour combler les réclamations éventuelles en cas de déversement. L’exemple de Lac-Mégantic devrait nous inviter à la réflexion.
- L’industrie envisage d’accélérer l’exportation du pétrole de sables bitumineux dans les prochaines années, augmentant la pression sur les gaz à effet de serre. Alors que le Québec a réduit de 2 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) entre 1990 et 2009, l’Alberta les a accrues de manière très importante. Il faut savoir que la production d’un baril de pétrole à partir de sables bitumineux exige un demi-baril de pétrole en énergie en plus d’engendrer une énorme quantité d’eau souillée. De plus, l’industrie pétrolière fait constamment pression sur le gouvernement du Canada pour un relâchement des mesures de sécurité.
- L’exportation accélérée du pétrole gonflerait artificiellement la valeur du dollar. Les exportations de ressources naturelles avantagent les provinces exportatrices, principalement l’Alberta, au détriment des autres provinces. Pendant ce temps, un dollar surévalué diminue la compétitivité des entreprises de l’Ontario et du Québec. On peut même craindre le syndrome de Hollande, qui fait référence à l’effondrement du secteur manufacturier en Hollande à la suite de l’exploitation rapide d’un gisement gazier en 1959.
- L’oléoduc ne créerait à peu près pas d’emplois au Québec après sa mise en service. Tous s’entendent pour dire que le Kamouraska n’y gagnerait à peu près rien en termes d’emplois, à part supporter les risques d’accidents. Le transport du pétrole américain sur les rails québécois, quant à lui, continuera de s’intensifier.
- Les retombées pour les propriétaires et les municipalités ne sont pas connues. TransCanada reste très évasive à ce propos et il semble que les revenus de taxation foncière anticipés par les municipalités concernées seraient très faibles. À cet égard, les informations disponibles sont contradictoires.
Un risque à prendre
Comme on peut le voir, ce projet, qui ne réduit pas les risques du transport pétrolier sur rail, favorise de manière significative l’augmentation des GES, surévalue la valeur du dollar canadien et, ce faisant, diminue la compétitivité d’entreprises exportatrices comme Bombardier. Il ne créera à peu près pas d’emplois, rapportera très peu de taxes foncières, en plus de faire peser un risque de contamination sur le futur parc régional du haut-pays du Kamouraska qu’il va traverser.
Quelle direction les élus vont-ils prendre ? Vont-ils faire comme le président Obama qui a refusé encore récemment les autorisations pour l’oléoduc Keystone XL sous prétexte qu’il contribue de manière excessive à l’augmentation du volume de GES et qu’il créerait moins d’emplois que promis ?
Il n’y a pas que les élus qui doivent agir, les citoyens peuvent aussi changer la donne. Rappelons-nous la bataille contre les gaz de schiste en Montérégie.