Actualité

En quête d’horizon

Par Fernand Cousineau le 2013/09
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En quête d’horizon

Par Fernand Cousineau le 2013/09

« Rêver un impossible rêve », chantait Brel. Comment est-il possible de rêver, d’espérer quelque horizon que ce soit, dans la situation socio-économique actuelle ? Le cynisme et le désespoir sont le lot du quotidien plus que le rêve.

En 1970, l’inconvertibilité du dollar américain en or a mené à une crise du système monétaire international. En 1980, la politique monétaire américaine, avec ses taux d’intérêt mirobolants, a plongé le reste de la planète dans une récession sans précédent. Les années 1990 ont fait place à une bulle spéculative. Finalement, en 2008, les rois de la finance ont concocté le fameux papier commercial « subprime », créant des abîmes remplis de désespérés.

Cinq ans ont passé et un épais brouillard noie toujours l’horizon.

La situation de trop de pays européens offre une triste perspective. La Grèce, le Portugal et l’Espagne, principalement, vivent des situations de déséquilibre sans précédent. Des mesures d’austérité sont imposées par ce qu’il est convenu d’appeler « la Troïka » : le Fonds monétaire international, l’Union européenne et la Banque centrale européenne. Malgré que ces pays croulent sous une dette hors du commun, la Troïka les contraint à une telle saignée budgétaire (la Grèce étant allée jusqu’à cadenasser la télévision publique) qu’ils se retrouvent avec des taux de chômage dépassant les 60 % chez les moins de 25 ans. Comment se nourrir d’espoir ? Sans tomber dans la casuistique du dénombrement des chômeurs, nous sommes en droit de croire que la réalité dépasse l’insoutenable.

Il semble que ces situations catastrophiques prennent source dans les crises financières successives. Aurions-nous été, par inadvertance, téléportés dans des économies où les oligarques de la finance sont devenus des Big Brother qui impriment leurs dictats aux dirigeants politiques qu’ils soient de droite ou de gauche ? Nageons-nous en pleine science-fiction où le monde virtuel de la finance exerce un contrôle impératif sur nos économies ?

Ici, nous sommes à des kilomètres de tout cela. Certes, il y a la Ville de Détroit qui est en faillite technique au point où les autorités ont dû imposer la tutelle. Dormez citoyens, Big Brother veille…

Mais soyons rassurés, les ministres des finances du G quelque chose se sont réunis du 18 au 20 juillet à Saint-Pétersbourg pour donner priorité à l’emploi et à la croissance, comme si ces facteurs pouvaient assurer que chacun bénéficie de retombées. Le philosophe et économiste Adam Smith, au XVIIIe siècle, avait rêvé que les basses classes de la société bénéficient des résultats de la croissance. Si tel était le cas, il y a longtemps que nous l’aurions vu. Même le président Obama dans une entrevue récente au New York Times s’inquiète de la disparité croissante des revenus.

Tout homme qui se tient debout est le plus beau des monuments. — Georges D’Or

Pour ne pas être en reste, n’oublions pas ces truands, si près de nous, qui s’en sont mis plein les poches, de l’argent des contribuables, à coup de deux ou trois pour cent de remise sur les contrats publics. Comme si ce n’était pas assez, dans les cas de Laval et de Montréal, les maires suppléants ont dû démissionner pour « truandise ». N’ayez crainte citoyens, ils feront la preuve que ces allégations ne sont que bobards et qu’ils sont d’honnêtes gens. Entre temps, ils ont bénéficié de larges indemnités de départ à même les fonds publics.

Un impossible rêve ?

Comment, dans un tel contexte, rêver un impossible rêve ? Combien de temps allons-nous accepter de telles obscénités ? Est-il moral que nous soyons les vassaux d’oligarques de la finance qui nous dépouillent et nous braquent tels des barbares et que cautionnent nos élus par leur silence et leur inaction ?

Mais, pour qu’un impossible rêve puisse se réaliser, il nous faut être habités par l’espoir que demain sera un autre jour. (L’ode de Lennon « Imagine » n’est-elle pas un appel à l’espoir ?)

Rappelons-nous le mouvement des indignés. Tous ceux qui se sont manifestés ont réclamé une plus grande justice sociale, une meilleure répartition de la richesse, une protection de l’environnement. N’est-ce pas là un appel à redessiner d’autres horizons ?

Que dire de ce printemps arabe où des populations, au prix de leur vie, sont descendues dans les rues pour revendiquer le départ de ces despotes éclairés qui contrôlaient depuis trop longtemps les leviers décisionnels et maintenaient la population dans un état de servage ? En Égypte, ils sont sortis à plusieurs reprises pour demander à Moubarak de dégager, à l’armée d’instituer des élections et, malgré l’élection où Morsi se croyait non imputable, ils ont « remanifesté » pour destituer l’autocrate qu’il était.

Plus près de nous, n’y a-t-il pas eu ce printemps érable où les étudiants, arborant le carré rouge, ont étonné ceux qui les croyaient endormis devant leur écran ou leur téléphone intelligent. Nous oserions même avancer que le gouvernement Charest a été dépassé par leur détermination et la maturité avec laquelle ils ont conduit leur mouvement.

Il ne faut pas non plus minimiser l’implication citoyenne qui a repoussé l’exploitation des gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent. Et que dire du mouvement Idle No More ?

Il nous est permis d’espérer « démocratiser la démocratie », en passant d’une démocratie de délégation à une démocratie de participation où nous pourrions décentraliser les pouvoirs pour y participer activement. Il est impératif de civiliser les marchés et d’éradiquer le despotisme et la barbarie causés par les marchés financiers. Le groupe des Économistes atterrés réclame l’annulation pure et simple de la dette des États. Il faut cesser de croire que l’économie dépend d’un mécanisme autorégulé sur lequel nous n’avons aucune prise. L’économie est le lot d’actions stratégiques organisationnelles et nous pouvons et devons la réguler. Nous ne devons point subir l’économie, elle doit au contraire servir à l’épanouissement de l’être plus que de l’avoir. Nous devons tendre vers une économie sociale de marché. Tout cela dans un respect, quasi religieux, du don que nous a fait cette terre mère.

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