
Louis Hébert est professeur au Département de lettres de l’Université du Québec à Rimouski où il enseigne la théorie et la création littéraires, le théâtre et la poésie. Ses recherches portent principalement sur la sémiotique et la sémantique interprétative, mais incluent également Magritte et le bouddhisme. Homme d’études aux intérêts variés, il a publié plusieurs livres spécialisés en sémiotique et, tout dernièrement, aux Éditions d’art Le Sabord, un premier recueil de poésie intitulé Sagesse du loup, illustré par Annie Pelletier.
Dans ce recueil où chaque vers est un aphorisme, Louis Hébert nous invite dans un bestiaire philosophique où la question gagne toujours sur la réponse. Chaque affirmation se dément elle-même dans un paradoxe qui interloque, nous pousse dans les retranchements de notre conception du monde et joue avec les représentations que l’on tient pour acquises. Dans son poème « Le rêve de l’éveil », l’auteur remet en cause la véracité du réel, et le lecteur prend goût à s’avancer, tel un funambule, sur la fragile frontière de sa vérité : « Toute sa vie, il voulut réaliser son rêve sans savoir que toute sa vie n’était qu’un rêve réalisé […] La vie est un rêve, mais qui les confond est un fou […] Combien d’éveils dans le rêve avant le vrai éveil ? Es-tu ridicule d’avoir cru mourir dans ton rêve. Es-tu ridicule de croire vivre en dehors de lui. »
Le recueil est un florilège de poèmes à « dé-penser » qui explore la figure du loup. On y dénote l’attrait de l’auteur pour la philosophie bouddhiste en reconnaissant la forme épurée du koan, courte phrase à caractère souvent énigmatique de la tradition zen. L’auteur annonce d’ailleurs sa couleur dès les premières pages : « Un haïku / Deux vers / De trop. » Tantôt le ton est provocateur, tantôt il est plein d’humour et on sourit comme un enfant qui se laisse séduire par ces jeux d’esprit et de symboles : « Un loup écrit : « Un loup écrit sur la neige » sur la neige. » Chaque poème est accompagné des illustrations d’Annie Pelletier, habillant les mots de fourrure de loup et de plumes d’oie. Le tout propose une esthétique finement composée qui fait de Sagesse du loup un ouvrage complet, aussi précieux par sa forme que son fond.
Si la portée absurde du recueil peut parfois nous paraître stérile ou nous perdre par moments, l’oeuvre finit par nous habiter profondément et nous pousse à y revenir pour explorer de nouveau ce monde à la fois beau et déstabilisant. L’oeuvre invite à percer le mystère du loup qui n’est que le reflet de notre propre mystère car, finalement, « la louve à pénétrer, c’est soi ».