
Fernand Cousineau, dans Je m’éveillais pour la regarder dormir, nous transporte dans un univers poétique ancrée dans une réalité quotidienne. L’histoire est simple mais efficace : après plusieurs échecs amoureux, un homme nouvellement retraité rencontre enfin la femme de sa vie. On est alors témoin d’un véritable et poignant déferlement de passion brute et de courriels dignes des plus grands auteurs de la Renaissance. Mais comme dans la vraie vie, la passion cède sa place à la jalousie, à l’indifférence, aux reproches. L’homme assiste, perplexe, aux transformations de sa dulcinée. « Écoute, j’ai 55 ans, le sexe c’est derrière moi, si tu as des besoins, exprime-les et on verra », martèle la douce à son prince. Mais qu’est-ce qui explique l’attitude de celle qui était si amoureuse ? L’auteur réussit un pari, trop souvent perdu, celui de nous forcer à tourner rapidement les pages pour comprendre.
Il s’agit d’un premier roman pour Cousineau, ce qui explique peut-être pourquoi l’écriture est inégale à certains moments. L’auteur utilise des tons différents selon qu’il raconte, qu’il écrit des courriels amoureux ou qu’il propose des dialogues. La poésie laisse souvent place à des discussions au langage plus familier. Un trop court roman (150 pages) dans lequel l’auteur aurait eu avantage à décrire plus longuement certaines situations, à nous faire part de ses états d’âme de façon plus exhaustive. Mais dans l’ensemble, l’exercice est réussi. Espérons que Fernand Cousineau sorte d’autres histoires de ses tiroirs.
Entrevue avec l’auteur
Le récit est si criant de vérité… Est-ce une autobiographie ou de la pure fiction ?
Fernand Cousineau – On me pose souvent la question. Toutes les histoires sont inspirées de faits vécus, d’une expérience personnelle ou de celle d’un proche. J’ai effectivement beaucoup souffert d’amour, notamment en investissant beaucoup dans une relation qui m’a déçu, démoli. Mais le livre est une fiction, un mélange de plusieurs histoires, des histoires qui sont arrivées à tout le monde et dans lesquelles les lecteurs se reconnaissent.
Vous êtes économiste, vous avez beaucoup écrit, notamment dans Le Mouton NOIR, sur des sujets sérieux. Pourquoi un roman d’amour ?
F. C. – Ce n’est pas un roman d’amour, mais un roman sur l’amour. Une histoire de passions et de grande tendresse. À ma retraite de l’enseignement, j’avais besoin de faire le vide, de m’intéresser à autre chose. Ce qui s’est passé avec celle que j’appelais la femme de ma vie s’est imposé à moi. J’ai eu besoin d’écrire mon désarroi.
Pourquoi avoir choisi un éditeur français ?
F. C. – J’ai envoyé mon manuscrit à des dizaines d’éditeurs québécois, mais c’est une maison d’édition française qui a cru en moi. Ironie du sort, j’avais écrit le livre à Grenoble. J’ai beaucoup souffert du rejet massif de mon manuscrit. Mon histoire est-elle intéressante ? Je commence à le croire puisque le livre s’est bien vendu et les commentaires sont surtout élogieux. Je me croise les doigts pour le prochain livre qui est actuellement entre les mains des mêmes éditeurs québécois qui ont refusé le premier. Avec le succès de Je m’éveillais pour la regarder dormir, même modeste, peut-être seront-ils plus ouverts.