Champ libre

Le Grégory Charles des pauvres

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Le Grégory Charles des pauvres

Joël Martel est un passionné de musique qui ne peut pas vivre de son art. Il a tout de même choisi de demeurer en région malgré l’attrait et les possibilités qu’offrent les grands centres. Notre collaborateur Jean-Philippe Catellier a rencontré ce marginal.

Peux-tu parler de ta contribution au monde de la musique ?

Joël Martel – J’écris des chansons depuis une vingtaine d’années. À 12 ou 13 ans, au Lac-Saint-Jean, je jouais avec mes chums Guilis et Gazon qui sont maintenant dans Lucy Loves Lenin. On faisait de la musique en anglais principalement parce que je n’avais rien à dire. Je n’ai encore rien à dire, mais je sais comment ne rien dire en français depuis que j’ai 19 ans. À cet âge-là, j’ai habité à Montréal pendant trois ans et j’ai enregistré beaucoup de matériel sur cassettes. Je l’ai réécouté dernièrement et ce n’est pas vraiment très bon. Je suis bien content de m’être fait plutôt discret à l’époque. Et puis je suis retourné habiter au Lac-Saint-Jean. Goulot, Jimmy Fourteen et moi, on a remonté un ancien band, Pussy Pear, qu’on a rebaptisé Iron Bédène et on a commencé à enregistrer. TJ Boca s’est joint au groupe en tant que « guitar hero » et Dick Purple comme choriste rock. On a fait plein de spectacles où ça tournait généralement au « break show » sans même qu’on fasse exprès. On a fini par faire un album double en concert. Quelques mois plus tard, à la fin d’un spectacle, alors que je portais une robe de chambre et des pantoufles, j’ai annoncé que je quittais le groupe. Entre-temps, j’avais commencé à enregistrer Les palmiers de la music avec Joe Boca . Ensuite, sous le nom Les patates impossibles, j’ai commencé à enregistrer des chansons électroniques « cheapettes ». Après un succès relatif, on a fait un show reggae avec Misteur Valaire au Cheval Blanc et, là, on a connu un désintérêt général. J’ai continué en solo comme chanteur folk sous le nom de Martel Solo. En tout, j’ai fait quelque chose comme une quinzaine de disques depuis 2002.

Comment décrirais-tu la scène musicale au Saguenay-Lac-St-Jean ?

J. M. – C’est une scène franchement différente de ce que les gens s’imaginent. Le cliché du « son du Lac », c’est n’importe quoi, mais c’est très riche comme scène. Je pense à Phano et associés, à Mordicus, à Bruno Rodéo, aux Partenaires Bleus, à Frank et le Cosmos, aux Gouroux du Rock, à The Admirals, aux Garçons de Noce, et j’en passe. La scène du Saguenay, ça doit ressembler à la discothèque de Claude Rajotte au fond.

C’est différent faire de la musique en région et à Montréal ?

J. M. – Ici, personne ne se fait de fausses idées. On le sait qu’on ne gagnera probablement jamais notre vie avec la musique. Les artistes sont ultra-intègres, car même s’ils essayaient de se faire remarquer pour attirer le grand public, on le sait que le grand public ne s’intéresse pas à la scène locale. Et c’est bien correct. Zéro amertume.

Internet joue un grand rôle dans la diffusion de ta musique. Est-ce qu’il influence aussi la création ?

J. M. – Sans Internet, personne ne saurait que je fais de la musique. C’est ma scène principale. C’est aussi ma compagnie de disques, mon agent de relations publiques, mon promoteur radio, etc. Et oui, Internet m’influence. Mais ça, c’est comme dire : « Je prends de la drogue et ça influence mon comportement. »

Que penses-tu de l’industrie musicale au Québec ?

J. M. – C’est une curieuse industrie. Elle est de plus en plus dominée par des pros des relations publiques. On inonde les médias avec des communiqués de presse qui présentent certains artistes comme des phénomènes et les médias suivent ainsi que les diffuseurs. Au résultat, on voit des artistes qui créent un gros tapage médiatique à Montréal et, quand ils arrivent ici, c’est fréquent que le public soit plus ou moins au rendez-vous. Mais c’est dans l’air du temps.

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