Nos blogues

La grande ligue

Par Frédéric Deschenaux le 2013/01
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La grande ligue

Par Frédéric Deschenaux le 2013/01

Dans le sport comme en politique, il arrive que les protagonistes ressentent l’appel transcendant des sommets, la volonté de jouer dans les grandes ligues – là où, comme au moment du Jugement dernier, on départage les bons des mauvais joueurs, les hommes des enfants. N’est-ce pas dans notre nature de vouloir nous élever au-dessus du lot, de nous mesurer aux meilleurs, voire de rejoindre les cercles de pouvoir ?

Les récits de joueurs relatant leur carrière n’épargnent jamais ce fameux moment où ils ont reçu l’appel du « grand club ». L’inverse est d’ailleurs tout aussi vrai. Que l’on pense à un Jacques Mercier méprisant, qui menace sa recrue du National de Québec d’un renvoi dans les mineures ! Parfois on grimpe l’échelle, parfois on glisse sur un serpent…

C’est avec déception que l’on se rend compte qu’un joueur prometteur dans les ligues mineures n’arrive pas à s’implanter dans la grande ligue. À celui-là, il semblera toujours manquer cette fraction de seconde pour s’imposer, toujours il restera en retard sur le jeu. À ce titre, la situation du nouvel ancien ministre de l’Environnement, Daniel Breton, n’est pas sans rappeler l’histoire d’Alexandre Daigle, premier choix au repêchage des Sénateurs d’Ottawa. Promu à un grand avenir, celui-ci n’a jamais pu faire mieux qu’une place sur le 4e trio, sorte de député d’arrière-banc du hockey !

Le Parti libéral du Canada n’a pas son pareil pour nous surprendre quand vient le temps de couronner un des siens à la direction du parti et, ultimement, le porter à la gouverne du Canada. On n’a qu’à penser à Stéphane Dion, sorte de Scott Gomez de la politique : vite sur ses patins, fort en tricotage, il est toutefois prévisible dès qu’il croise la ligne bleue… C’est donc avec une certaine appréhension que l’on attend la victoire annoncée de Justin Trudeau, lui qui a décidé de se lancer dans l’arène après y avoir battu aux poings l’opposition conservatrice.

Il y en a d’autres qui attendent longtemps avant d’accéder aux grandes ligues, comme notre première ministre. N’ayant jamais séché au bout du banc, elle a occupé à peu près tous les ministères inimaginables, pour démissionner avec fracas avant de revenir comme députée, puis chef de parti, et enfin accéder au poste, tant convoité, de première ministre. Ce long et sinueux parcours n’est pas sans rappeler celui de Doug Flutie, un quart-arrière qui a connu une brillante carrière universitaire, remportant le prestigieux trophée Heisman, pour ensuite tomber en disgrâce en raison de ses convictions communistes qui, lors du conflit de travail de 1987 dans la NFL, l’empêchaient d’agir à titre de joueur de remplacement. Il a dû, le pauvre, s’exiler dans la Ligue canadienne de football, ces plaines de Sibérie du football, où il a quand même gagné trois coupes Grey, avant de revenir dans la NFL et d’y connaître, somme toute, une belle carrière. Et que dire du pilote automobile Jacques Villeneuve qui, après avoir gouté à l’ivresse de la F1, doit désormais ronger son frein en Nascar…

Au contraire de Pauline et de Doug, d’autres parviennent rapidement à gravir les échelons menant aux grandes ligues et à la célébrité, rendant même parfois superflu l’usage du patronyme. On peut ici penser à « Léo », passé de chef étudiant sans poil au menton à député en puissance – traduction française de « power foward deputy ». Un Sidney Crosby de la politique, en quelque sorte !

Enfin, de nombreux sportifs, peut-être la majorité d’entre eux, font patiemment leurs classes dans les circuits inférieurs, s’élevant progressivement dans le règne animal, en passant des Puces de lit de Saint-Anaclet auxMooses du Manitoba ou aux Solar Bears d’Orlando, grimpent place par place jusqu’à la tête des classements pour ensuite préparer leur après-carrière. Alexandre Despatie utilisera-t-il le plongeon comme tremplin vers l’univers des médias ou du cinéma, se lancera-t-il dans des pirouettes politiques en essayant de relever le niveau des plates-formes électorales des partis ?

C’est donc en vous servant ces analogies qui nous sont si chères, entre le sport et la politique, que nous signons, non sans regret, notre dernière chronique des Canadiens errants. En effet, l’un de vos pas si humbles serviteurs a succombé au chant des sirènes, ce qui lui impose une sorte de devoir de réserve. Mais comme on dit au curling, que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre !

Nous tenons à vous remercier chaleureusement, chers lecteurs, vous qui étiez si nombreux à nous parler, en bien ou en mal, de cette chronique. Disons que vous avez contribué à nous permettre de relativiser l’importance de nos écrits savants : jamais nous n’avons suscité autant de réactions dans nos champs disciplinaires respectifs !

Nous terminerons donc comme nous avions commencé, soit en répétant à quel point la vie, c’est du sport.

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