Non classé

Plaidoyer pour le prix unique du livre au Québec

Par Normand Provencal le 2012/12
Non classé

Plaidoyer pour le prix unique du livre au Québec

Par Normand Provencal le 2012/12

Depuis plusieurs années, tous les acteurs de la chaîne du livre – auteurs, éditeurs, distributeurs, bibliothécaires et libraires – s’entendent pour réclamer une nouvelle réglementation concernant le prix du livre au Québec. Si l’unanimité autour de cette entente est acquise, l’approbation gouvernementale l’est moins.

En effet, les représentations auprès du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine (MCCCF), les études menées par la Table de concertation du livre, les propositions du Conseil consultatif de la lecture et du livre (CCLL) ainsi que la mobilisation qui s’est ensuivie ne peuvent rester lettre morte. Le 26 octobre 2011, le CCLL recommandait officiellement au MCCCF « de réglementer le plus rapidement possible le prix des livres neufs imprimés vendus sur le territoire québécois ». Durant la dernière campagne électorale, les partis politiques ont certes annoncé des couleurs qui donnent espoir quant à la révision de la Loi sur le livre et à sa réglementation. Reste à voir maintenant s’ils livreront la marchandise.

Mais quels sont les enjeux d’un prix réglementé ? Depuis 1981, la Loi 51, qui encadre l’édition, la distribution et la vente au détail du livre dans les librairies, a permis de donner les outils nécessaires au développement du livre et de la lecture, et ce, dans toutes les régions du Québec. Cette loi s’inscrivait dans une démarche spécifiquement québécoise visant à promouvoir et à sauvegarder la création littéraire d’ici et l’accessibilité aux livres francophones dans le contexte nord-américain.

Cependant, les mouvements du marché et l’arrivée de joueurs moins scrupuleux comme les magasins à grande surface ont causé des dommages importants, notamment aux librairies qui ont dû faire face à des réductions de prix indécentes. Les éditeurs et les distributeurs ont également dû affronter des baisses draconiennes de leur marge bénéficiaire. Bref, une situation qui a fragilisé toute l’industrie. L’enjeu du prix réglementé est de favoriser le développement rentable du livre sans nuire à son accessibilité.

Une telle politique permettrait en effet de fixer le prix de détail d’un livre neuf au cours de sa première vie utile, soit pendant dix mois, que ce soit dans les librairies agréées ou dans tous les autres points de vente, incluant les magasins à grande surface. Le livre se vendrait donc au même prix partout pendant cette période. Le rabais maximum qu’une librairie ou tout autre commerçant pourrait accorder à sa clientèle fidèle serait de 10 %.

Cette nouvelle mesure contribuerait à consolider et à promouvoir le rôle du libraire, qui consiste à offrir une gamme diversifiée d’ouvrages québécois et étrangers à son lecteur-client et à le conseiller de façon professionnelle afin qu’il puisse effectuer un choix éclairé. Offrir un prix est une chose ; offrir un service professionnel en est une autre. Seul le libraire peut bien faire les deux.

L’enjeu économique est énorme. La sauvegarde des 12 000 emplois du livre passe par le développement d’un chiffre d’affaires rentable et stable. Plus de 800 millions de dollars en livres se vendent chaque année au Québec. Peut-on vraiment se permettre de fragiliser et de mettre en péril la première industrie culturelle au Québec, elle qui compte 4 500 nouvelles parutions par année ?

Plusieurs États ont déjà promulgué ce type de réglementation : l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Argentine, la Corée du Sud, le Mexique, la Norvège, la Hongrie, la Grèce, l’Espagne, l’Autriche, le Japon, les Pays-Bas et le Portugal. Ce groupe devrait s’accroître sous peu, le Brésil et la Pologne ayant également mis le projet à l’étude.

C’est dire toute l’importance et l’urgence de passer au prix réglementé. Et c’est sans compter le livre électronique, qui commence à prendre une place de plus en plus grande sur le marché. Ne faudrait-il pas en profiter pour inclure dans la loi ou par règlement un encadrement spécifique pour ce nouveau type de support ?

Oui, le prix du livre est dans tous ses états au Québec ! C’est maintenant au législateur de calmer le jeu en mettant en place une politique de prix réglementé qui permettra de sauvegarder l’industrie du livre, en plus d’assurer l’accès à la lecture aux Québécoises et aux Québécois, et ce, à un prix équitable pour tous.

Normand Provençal est libraire retraité et ex-président de l’Association des libraires du Québec.

Partager l'article

Voir l'article précédent

Numérique or not to be

Voir l'article suivant

Balade, Edgar Bori