Champ libre

Enfin sortis de la grande noirceur culturelle ?

Par Anjuna Langevin le 2012/06
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Enfin sortis de la grande noirceur culturelle ?

Par Anjuna Langevin le 2012/06

Le 1er mai dernier s’est tenu la 5e édition du Gala des prix culturels rimouskois. Le maire et plusieurs conseillers étaient présents, et la salle de spectacle était pleine à craquer. Sur scène, les artistes d’ici se sont succédé, avec un effet d’ensemble plutôt réussi : l’Orchestre des jeunes du Québec maritime, la troupe de hip-hop Attractive, la troupe de gumboot de Rimouski arborant le carré rouge, la troupe Amalgame de l’école Paul-Hubert, la Ligue d’improvisation de Rimouski, la chanteuse Maïna Albert, accompagnée par Martin Roussel, sans oublier la demoiselle-clown Fany Fay et le pianiste Luc Marcel.
Cette année, de très belles vidéos, réalisées par David Lepage, ont donné aux spectateurs un aperçu plus personnel des artistes finalistes, une occasion de les rencontrer dans l’intimité de leur maison. Les discours des artistes eux-mêmes étaient empreints de poésie, particulièrement ceux des auteurs Micheline Morrisset, lauréate dans la catégorie Artiste, et Paul-Chanel Malenfant, qui a reçu le prix Hommage.

Personne ne pouvait douter, ce soir-là, du fait que Rimouski est une ville où la culture est foisonnante. Cependant, quelques phrases glissées en douce ont révélé la fragilité du milieu culturel rimouskois et l’implication encore bien faible de la Ville envers ses artistes et travailleurs culturels. Lorsque Guy Dionne, directeur du Service des loisirs, de la culture et de la vie communautaire, a remercié les artistes, regrettant au passage de ne pas pouvoir leur offrir un cachet plus important, on s’est senti un peu mal à l’aise. Lorsque l’animateur a remercié les petites entreprises dont l’implication a permis d’offrir des bourses aux artistes lauréats, on s’est demandé si notre ville était vraiment à ce point à court de budget. D’autant plus qu’il n’y a que cinq prix remis, dans des catégories qui regroupent bien du monde. Et on ne pouvait pas non plus oublier, malgré la joie éprouvée par l’équipe du Carrousel du film en recevant son prix, les difficultés financières majeures qu’a connues cet organisme récemment. Même les photos d’archives montrant le déménagement du Théâtre du Bic sur son site actuel ont rappelé les efforts bénévoles inouïs qu’il a fallu pour mettre en place ce lieu de diffusion. Et ça riait jaune à la suite de cette anecdote, racontée par Benoit Vaillancourt, à propos de Michel Tremblay, ancien maire de Rimouski, alors député fédéral, qui s’était prononcé contre le financement du projet de réfection du Théâtre du Bic. Un moment qui en disait long sur ce qui a été une grande période noire pour le secteur culturel, et dont il serait grand temps de s’affranchir.
Oui, Rimouski fait des progrès. Oui, la Ville s’engage de plus en plus envers les arts et la culture. Il y a deux ans, aucune bourse n’était offerte aux lauréats lors du Gala des prix culturels. Mais on est encore loin de la « moyenne nationale » en matière de soutien municipal aux artistes et aux organismes culturels, loin de l’exemple de villes comme Saguenay, Rivière-du-Loup et Gaspé. La Ville n’offre toujours pas de salles d’exposition aux artistes en arts visuels et, contrairement aux normes du Regroupement des artistes en arts visuels du Québec, ne verse aucun cachet aux artistes qui exposent sur un des murs de la salle Telus-Desjardins, qui n’est d’ailleurs ouverte qu’aux heures de spectacle. Il n’y a pas d’ateliers locatifs ni de locaux de pratique disponibles à prix abordable pour les artistes. Il n’existe aucune tribune de diffusion destinée aux artistes en émergence, similaire à ce qui est disponible dans la plupart des villes de taille moyenne via le réseau des maisons de la culture. Il y a peu d’incitatifs à ouvrir des entreprises de production dans le secteur culturel. Une nouvelle politique culturelle est en cours de développement : souhaitons qu’elle soit accompagnée d’actions concrètes.
Il est difficile de dire quelle est la part de l’offre culturelle dans l’indice de bonheur des villes, mais parions qu’elle est élevée. Le dynamisme culturel se crée d’abord par l’implication des artistes et des gens du milieu. C’était évident pendant ce gala : il y a des créateurs merveilleux à Rimouski. Reste maintenant à mettre en place des conditions pour qu’ils se déploient, ici, dans la région.

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