Actualité

Le dossier Old Harry, où en sommes-nous ?

Par Sylvain Archambault le 2012/05
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Le dossier Old Harry, où en sommes-nous ?

Par Sylvain Archambault le 2012/05

Les perspectives pétrolières dans le golfe du Saint-Laurent en font rêver plusieurs. Malgré les dizaines de milliards de dollars que certains font miroiter, ce pétrole n’est que virtuel et on n’a aucune certitude que les fonds marins du golfe contiennent la moindre goutte de pétrole exploitable. La compagnie Corridor Resources, une firme junior d’exploration basée à Halifax, tente sans succès, depuis 1996, d’obtenir l’autorisation de forer un puits exploratoire au lieu-dit Old Harry, 80 km au nord-est des îles de la Madeleine. Il semble qu’elle devra attendre encore plusieurs mois, car les autorisations environnementales requises, si jamais elles lui sont accordées, ne pourront l’être que tard en 2013.

Plusieurs embûches se dressent devant Corridor Resources : au moins deux processus d’évaluation environnementale en cours, des investisseurs frileux, une situation financière précaire, sans compter de très nombreux groupes et citoyens qui croient qu’un forage dans le golfe serait, à ce stade-ci, beaucoup trop risqué et qui réclament un moratoire. Pour s’y retrouver dans cet imbroglio, essayons de démêler les étapes que doit franchir Corridor Resources.

Une évaluation environnementale stratégique

Tout comme le Québec qui est en train de compléter une évaluation environnementale stratégique (ÉES) dans sa partie du golfe (le rapport Genivar sera déposé en octobre 2012), Terre-Neuve vient tout juste d’entreprendre une ÉES dans sa propre partie du golfe. En fait, il s’agit d’une mise à jour d’une ÉES effectuée en 2005. Chose intéressante, les citoyens des autres provinces seront consultés et trois séances auront lieu au Québec probablement durant l’été (Îles-de-la-Madeleine et deux localités à déterminer sur la Côte Nord). Curieusement, le Nouveau-Brunswick a été oublié lors de la planification de l’ÉES. Le rapport final sera remis en mars 2013 et pourrait potentiellement changer la donne quant aux activités pétrolières dans la partie terre-neuvienne du golfe, voire les remettre en question.

Le projet Old Harry sous la loupe

Parallèlement à l’évaluation environnementale terre-neuvienne, le projet de forage de Corridor Resources est soumis à une évaluation environnementale fédérale de type « examen préalable ». Divers ministères tels que Pêches et Océans et Environnement Canada scrutent présentement à la loupe le projet de forage à Old Harry, mais le public ne sera pas appelé à se prononcer. Selon l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers (l’Office) qui pilote cette évaluation environnementale, le rapport final ne sera déposé qu’après le rapport de l’ÉES terre-neuvienne et devra en tenir compte dans ses propres conclusions.

Une consultation publique incertaine

À la suite d’une recommandation du ministre fédéral de l’Environnement, Peter Kent, à l’été 2011, une vaste consultation publique devait être menée sur le projet Old Harry lui-même. Cette consultation aurait été menée par Bernard Richard, ex-ombudsman du Nouveau-Brunswick, et elle aurait impliqué les cinq provinces côtières. Toutefois, cette consultation a été suspendue en février, avant même d’avoir débuté ses travaux. Ce n’est qu’en mars 2013, à la lumière des résultats de l’ÉES, que l’Office réévaluera la pertinence de tenir cette consultation publique fort attendue. Selon Danielle Giroux, porte-parole de la Coalition Saint-Laurent, « cette situation est inacceptable et les consultations publiques de l’ÉES terre-neuvienne devront être l’occasion pour les citoyens de transmettre massivement aux autorités leurs préoccupations sur l’avenir du golfe ».

Une situation financière précaire

Même si elle obtenait toutes les autorisations environnementales requises, Corridor Resources ne serait pas au bout de ses peines. En effet, la situation financière de la compagnie pétrolière est précaire. Son rapport annuel pour l’exercice financier 2011 montre des pertes nettes de plus de 79 millions de dollars. Quant à ses actifs totaux, ils dépassent à peine 200 millions de dollars. Or, un seul forage en mer coûte environ 60 millions de dollars auquel il faut ajouter une garantie financière obligatoire de 30 millions de dollars en cas d’accident. On comprend donc que Corridor Resources doive obligatoirement s’associer à un partenaire majeur avant tout forage dans le golfe. Malgré d’intenses efforts depuis plusieurs années, Corridor n’a toujours pas réussi à dénicher un partenaire majeur. Incertitudes quant au potentiel pétrolier réel, frontière interprovinciale contestée, opposition citoyenne dans toutes les provinces du golfe, on comprend un peu les réticences des majors de s’associer à un tel projet.

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La Coalition Saint-Laurent en tournée à Terre-Neuve

Il y a de quoi perdre son latin devant la complexité de ce dossier qui touche les cinq provinces côtières et où l’enjeu final est l’avenir du golfe. Afin de créer des ponts entre des organismes des cinq provinces, la Coalition Saint-Laurent a organisé à la mi-avril un forum à Terre-Neuve où une vingtaine de groupes de toutes les provinces, incluant des représentants des Premières Nations et de l’industrie de la pêche, ont convenu qu’un moratoire sur l’ensemble du golfe était nécessaire pour se donner collectivement le temps de prendre une décision éclairée. La Coalition a profité de cette présence à Terre-Neuve pour y donner trois conférences publiques et rencontrer les médias ainsi que plusieurs acteurs clés du dossier. Un constat se dégage de cette tournée : de nombreux Terre-Neuviens partagent nos inquiétudes sur l’avenir du golfe du Saint-Laurent.

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