Champ libre

Danielle Brabant, conteuse d’un village grand comme la terre

Par Anjuna Langevin le 2012/03
Champ libre

Danielle Brabant, conteuse d’un village grand comme la terre

Par Anjuna Langevin le 2012/03

Danielle Brabant, c’est cette petite femme aux yeux pétillants dont les mots semblent jaillir comme d’une source vivante, inépuisable. Une femme qui, seule sur la scène, sans artifices, vidéo ou accessoires, sagement vêtue d’une petite robe noire, est capable d’entraîner un public dans une histoire complexe tissée de poésie, d’humour et de réflexions profondes sur le monde. Pendant une heure, la magie de son récit porte les spectateurs sur un tapis volant de mots tandis qu’ils rient, pleurent et partagent même des bouts de leur propre histoire.

Et on apprend qu’elle a été invitée à conter en France, en Belgique, en Suisse, aux îles Canaries, en Colombie et en Argentine, et qu’elle poursuit son chemin comme si elle avait une étoile pour guide. Quand on a été porté une fois par le fil de sa voix, on n’est pas vraiment surpris, c’est dans l’ordre des choses. Il faut bien le reconnaître, cette voisine, cette amie d’amis, celle qu’on croise parfois à l’épicerie du Bic, notre conteuse de village-devenu-arrondissement, est une conteuse pour le monde.

Elle écrit les histoires qu’elle raconte. Et ces histoires sont entremêlées de vrai, de son histoire à elle. Les mots, elles jouent avec eux depuis toujours, comme des amis familiers. Elle a croisé la scène, s’est promenée d’un atelier de théâtre à l’autre, est entrée dans le conte traditionnel et en est ressortie avec des contes contemporains, des contes qui sont des fables de la vie connue, des histoires réelles vécues à l’ère du virtuel. Celle qui conte aussi en espagnol commente son rapport à cette langue : « J’ai appris l’espagnol en parlant avec les gens, dans l’oralité, et non dans une grammaire. Cette langue est très expressive et cela influence ma façon de conter, comme si un côté de moi était vivifié par la langue elle-même. »

Quand je lui demande comment elle a bâti son dernier spectacle, Debout dans le bleu, elle me répond qu’elle a suivi pendant des mois le fil d’une seule question : « Qu’est-ce qu’il est pertinent et juste de conter, de porter comme parole, en 2012 ? » L’histoire s’est bâtie comme une courtepointe qui aurait été faite de coupures de journaux, d’histoires racontées autour d’une table entre amis, de chansons aimées et retrouvées, cousues ensemble par la laine de sa propre vie et par l’histoire du processus lui-même. Les chansons, a capella, sont entrées dans le récit comme le reste, ajoutant une part musicale. Des extraits d’autres contes s’y sont glissés, comme des hyperliens vivants, clins d’oeil aux conteurs d’ailleurs. « Le performatif s’est incorporé parce que je voulais ajouter un degré de présence, d’authenticité à ce spectacle. Ça m’oblige à être résolument présente, non seulement au public, mais aussi à moi-même. À certains moments, ce n’est plus le personnage ni le texte prévu, c’est moi, Danielle. Et je crois que c’est ce qui me permet aussi d’aller vers les gens, d’intégrer la partie relationnelle au spectacle. »

Quelle réponse a-t-elle pu trouver à sa question ? « Je crois en fait que la question continue de me porter. Mais j’ai certainement trouvé une chose : on ne peut partir que de soi et, de là, donner aussi la parole aux autres. Je veux “dire le monde” : le monde devant moi, autour de moi, le monde dans sa complexité et son humanité. Je n’ai pas trouvé de réponse unique à ma question mais, certainement, le goût de réenchanter le monde, de continuer à découper un morceau de ciel. »

Cet été, elle sera Debout dans le bleu dans la région. Surveillez les médias et son site web (daniellebrabant.com) pour connaître les dates de ses prochains spectacles.

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