Nous ne ferons pas ici le procès de la voiture ni de la course obligée vers la croissance économique illimitée1. Nombre d’auteurs l’ont fait2. Nous parlerons ici de vélo, puisque l’auteur des présentes lignes est un gars d’bécycle et que ses initiales (MAB) le prédestinent à s’associer à la promotion du vélo comme moyen de transport écologique et d’avenir, inspiré notamment par l’organisme Le Monde à bicyclette (MAB), l’Association Rimouski Ville cyclable (ARVC), Michel-vélo-Labrecque, Claire Morissette, Ivan Illich et ses concitoyens rimouskois qui pédalent et qui marchent quotidiennement.
Si crise de l’énergie il y a, comme le constatait déjà Ivan Illich au début des années 1970 (1973), elle est causée davantage par le gaspillage et la surconsommation éhontée des énergies non-renouvelables et inhumaines par une petite portion des habitants de la planète que par une pénurie véritable de ressources énergétiques.
Toutefois, je vous propose de ne pas carburer à la culpabilité pour nous encourager à améliorer notre bilan en matière de transport actif (principalement marche et vélo) et écologique (covoiturage, télé-travail, autobus, taxibus), d’autant plus qu’il serait paradoxal de nous complaire, voire de nous réfugier dans la dénonciation de l’automobile, alors que nous sommes tous nés avec un volant dans les mains et que nous parcourons, bon an mal an, entre 10 000 et 20 000 km par année dans nos boîtes à savon métalliques. Pour le moment, concentrons-nous sur les vertus de la petite reine dont la principale est le pur plaisir de mouliner, de faire tourner les pédales.
Pouvons-nous, dans la Neigette, sur un horizon de quelques années3, développer une plus forte culture du vélo et de la marche comme moyen de transport et ainsi améliorer significativement notre bilan de carbone, la santé et les finances personnelles des citoyens, la productivité au travail, la convivialité du centre-ville ?
Partir de loin
C’est ni plus ni moins l’image du transport actif qui doit être reconstruite autour du plaisir qu’il procure, de son efficacité réelle (dans un rayon de ± 3 km au centre-ville), des avantages qu’il comporte pour la santé (faire de l’exercice tout en se rendant d’un point A à un point B) et pour les finances personnelles, et enfin, des bénéfices environnementaux.
Nous vivons dans une ville, une région, une province, un pays et un continent à forte culture automobile. Combien de voitures y a-t-il en moyenne par famille à Rimouski, au Bas-Saint-Laurent et au Québec ? Combien de kilomètres parcourons-nous annuellement par personne, seuls dans nos voitures ? Jusqu’à quel point le culte de la bagnole nous empêche-t-il de voir la rationalité et l’urgence de changer nos modes de transport ? Soulignons que dans une région à faible densité de population, à faible concentration urbaine et où la circulation automobile est la plupart du temps fluide, la voiture demeure un moyen de transport très efficace et facile de prime abord. Cet état de fait facilite l’adhésion à l’approche prudente du « petit pas par petit pas » que propose le plan de mobilité active pour la ville de Rimouski qui a été préparé par l’Association Rimouski ville cyclable.
La nouvelle mobilité de la communauté rimouskoise
La Ville de Rimouski et l’Association Rimouski ville cyclable ont convié les citoyens le 20 octobre dernier à une consultation publique sur le plan de mobilité active pour les prochaines années. Les détracteurs du transport actif, ceux et celles qui ne jurent que par la voiture, étaient plutôt absents de cette soirée. Le seul débat quelque peu musclé aura été celui de l’obligation du port du casque à vélo… Il semble aussi difficile d’organiser une consultation publique sur le vélo comme moyen de transport sans aborder l’enjeu du casque que d’organiser une consultation publique sur les accommodements raisonnables sans vouloir aborder l’enjeu du port du voile islamique. Ainsi les « avec pas d’casque » ont brièvement croisé le fer avec les tenants de la santé publique. Rien toutefois sur les coûts faramineux pour la santé publique issus de l’utilisation abusive de l’automobile…
Beaucoup de travail reste à faire pour promouvoir le transport actif sans frustrer les automobilistes dans l’âme. Il s’agit d’ailleurs d’un des grands axes d’intervention du plan : la promotion constructive et positive du transport actif autour du partage de l’espace routier, des comportements respectueux et courtois entre les automobilistes, les cyclistes et les marcheurs. À mon point de vue, la cohabitation demeure effectivement une voie d’avenir et passe surtout par des attitudes plus conciliantes entre les différents utilisateurs de la voie publique ! Les infrastructures et les technologies viendront sans doute en appui à ces améliorations de comportements et non comme des solutions miracles à la sécurité.
Par la bande et les accotements raisonnables
L’approche de l’Association Rimouski ville cyclable est résolument celle de la promotion du vélo et de la marche et, par voie de conséquence, de la réduction de l’auto-solo. C’est avant tout par la découverte du plaisir et des bénéfices des transports actifs que les citoyens réduiront l’utilisation de la voiture, et non par une campagne de salissage contre le « char ». En améliorant les infrastructures et la sécurité, les citoyens deviendront de plus en plus « cyclo-citoyens », quand cela est possible, facile, rapide, sécuritaire. Laissez votre vélo bien rangé quand il pleut et qu’il fait froid, quand les côtes sont insurmontables, quand le vent d’ouest frappe de plein fouet ou que le vent du nord est rebutant, et misez plutôt sur le covoiturage ou l’autobus. Les mordus du transport actif se chargeront de nous représenter lors de ces journées.
À travers ce plan de mobilité brillamment présenté aux quelque 40 citoyens, marcheurs et cyclistes présents, pour la plupart déjà convaincus de la pertinence d’intensifier le transport actif, ce sont surtout les voies cyclables et piétonnes (appelés « corridor ») qui seront privilégiées pour atteindre les objectifs de transport actif. Reste à voir maintenant quels types de voies cyclables seront implantés et où. Certains citoyens ont mentionné l’importance de tracer des bandes cyclables unidirectionnelles (dans le même sens que le trafic motorisé) dans la plupart des rues du centre-ville afin d’éviter de confiner les cyclistes sur des pistes cyclables trop achalandées, souvent dangereuses et qui parfois ne mènent nulle part.
Des accotements raisonnables (bandes cyclables unidirectionnelles d’environ trois pieds de large), même sur des artères principales, seraient selon moi à privilégier pour se rendre d’un point A à un point B de façon sécuritaire (avec un espace réservé) sans faire de multiples détours dans un labyrinthe de rues résidentielles : entre le pont de la rivière Rimouski à l’entrée ouest du centre-ville et la rue Léonidas (sur ± 2 km de l’axe est-ouest), et de la rue Saint-Jean-Baptiste jusqu’au fleuve (sur ± 500 m de l’axe nord-sud), évitant ainsi les fortes pentes du sud de la ville.
Le vélo pourrait trouver une place de choix sur la plupart des voies publiques, particulièrement sur les artères principales que sont Saint-Jean-Baptiste, de l’Évêché, Sainte-Marie et Saint-Pierre, Saint-Germain, Moreau, Léonidas, Belzile, de la Cathédrale, Saint-Louis, Rouleau. Le plan de mobilité prévoit déjà un très grand nombre de voies cyclables au centre-ville, mais pas autant que ce qu’en rêve l’auteur des présentes lignes… Dans une zone intermédiaire, c’est-à-dire entre l’autoroute 20 et le fleuve, et entre la montée des Saules dans Sacré-Coeur et l’avenue Poirier dans Rimouski-Est, le vélo pourrait aussi avoir une plus grande place. Encore là, le plan de mobilité nous propose de faire de grands pas dans cette direction, mais pourrait être plus ambitieux. Enfin, les agglomérations du Bic, de Saint-Valérien, de Sainte-Blandine, de Saint-Anaclet-de-Lessard, de la Neigette, de Pointe-au-Père et de Sainte-Luce font partie d’un rayon cyclable quotidiennement, sorte de zone 3, et devraient être reliées au centre-ville de Rimouski par des bandes cyclables sécuritaires que le plan de mobilité a déjà identifiées avec pertinence !
L’hiver s’en vient, ne parlons plus de vélo
Le « timing » semblait excellent pour parler vélo dans cette première chronique d’un gars d’bécycle, alors même que l’automne passe du jaune au rouge, que les feuilles mouillées jonchent la voie publique telles des peaux de banane à cyclistes et que l’hiver et son calcium menacent de frapper violemment le cyclo-citoyen et sa monture d’acier.
C’est le temps de préparer son vélo pour le printemps prochain. N’attendez pas les premières journées de chaleur d’avril pour sortir votre bécane et constater les dégâts : pneus dégonflés (plus de la moitié des cyclistes semblent rouler « su l’flatte », c.-à-d. avec moins de la moitié de la pression d’air recommandée), freins et dérailleurs mal ajustés, roues voilées…
En attendant le printemps, relisons le plan de mobilité active de la Ville de Rimouski, disponible en ligne, et donnons notre avis afin d’orienter le plan d’action plus concret qui en découlera et la révision du plan d’aménagement quinquennal de la Ville, inscrivons-nous à la randonnée hivernale annuelle d’Environnement jeunesse, joignons le magnifique mouvement de promotion du vélo d’hiver qui émerge actuellement au Québec, tricotons nos dossards sur lesquels nous pourrons afficher nos convictions en lien avec les bénéfices des transports actifs dès le printemps prochain !
La bicyclette représente depuis plus d’un siècle, c’est-à-dire bien avant la démocratisation de la voiture, un moyen de transport efficace, à énergie humaine, et un symbole de progrès social et environnemental. Son utilisation favorise l’équité énergétique. Nous reparlerons de ce sujet dans une chronique ultérieure.
1. L’économie est encore fortement basée sur l’exploitation et la consommation des hydrocarbures et l’industrie automobile.
2. Voir Ivan Illich, Énergie et équité (1973), Claire Morissette (1994), Michel Robert (2005), etc.
3. Idéalement, une action visant le développement durable telle que l’intensification du transport actif dans Rimouski s’effectue dans une perspective de plusieurs générations, à long terme, et pour la globalité de ses effets sur l’ensemble de la planète.
Véritable VUS
Véhicule : le vélo n’est pas qu’un jouet pour enfant, mais un moyen de transport à part entière
Utilitaire : très utile (quoique agréable aussi), particulièrement dans une grande densité de circulation dans un rayon de 5 km
Sport : on fait véritablement du sport en pédalant contrairement au VUS de l’industrie automobile