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Festival de Québec : la BD en effervescence

Par Michel Labrie le 2011/05
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Festival de Québec : la BD en effervescence

Par Michel Labrie le 2011/05

Au printemps 2000, le Festival de la bande dessinée francophone de Québec décernait le prix du meilleur espoir de la BD québécoise à Michel Rabagliati pour sa première BD, Paul à la campagne. Cette BD à peine tirée à quelques centaines d’exemplaires a suscité l’intérêt du jury, puis la curiosité des critiques. On sait maintenant le succès de son auteur qui s’est mérité à Angoulême (la Mecque de la BD en France) les plus grands honneurs. On peut lire cette récompense, ou plutôt l’œuvre récompensée, comme un moment décisif de l’histoire de la BD québécoise : son entrée dans l’effervescence qu’elle connaît actuellement, pinacle en horizon.

Du 13 au 17 avril derniers, a eu lieu à Québec la 24e édition du Festival. Près d’une centaine d’auteurs et de dessinateurs québécois étaient au rendez-vous, avec quelques Français, Belges, Suisses et Espagnols invités à se rencontrer, à échanger avec le public lors de tables rondes, de séances de dédicaces, etc. Il y avait de plus diverses expositions et manifestations éparpillées dans tous les coins de la ville. À la 15e édition, outre Michel Rabagliati, il y avait pour tout Québécois présent Albert Chartier, le dessinateur d’Onésime et de Séraphin, Mario Malouin et quelques autres. Ils étaient cinq ou six…

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On peut retracer l’origine de la BD québécoise bien avant celle des Belges et des Français. En 1904, avec Les Aventures de Timothée au quotidien La Patrie, Albéric Bourgeois usa le premier de la bulle entourant et renfermant un texte en français. C’est 25 ans avant Tintin, et plus de 30 ans avant qu’en France, enfin, le texte en légende de vignette ne s’accorde, s’articule à l’image, alterne avec celle-ci pour raconter plutôt que redire ou répéter ce que l’image montrait. À cette époque, à l’instar de la BD américaine, les héros et les personnages de la BD québécoise étaient lus avidement dans les quotidiens par toute la population. Les «petits comiques», comme on les surnommait, se présentaient sous la forme de bandes de trois à quatre vignettes (strips). Ils sortaient le travailleur de son quotidien en le divertissant tout en l’émerveillant. Avant le cinéma et la télé, la BD était là. Avec ce festival qui vient de se terminer à Québec, je dis maintenant que le neuvième art est en bien meilleure santé qu’en 2000. Le prochain Paul de Michel Rabagliati, intitulé Paul au parc, le confirmera.

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Mais quel est le propre et quel est le propos de la BD québécoise? Elle va du roman graphique à la BD d’aventures, en passant par l’humour et bien d’autres genres. Vous pouvez en avoir une excellente idée en consultant le programme du Festival (sous la forme d’un journal inséré dans le Voir et le Journal de Québec, les jours de l’évènement). Quelques auteurs y présentent une planche : Philippe Girard, l’auteur de l’affiche du Festival et des récentes BD Tuer Velasquez et La visite des morts ; Jacques Lamontagne avec son Aspic, Détectives de l’étrange dont le second tome complète le premier cycle; Thierry Labrosse et sa nouvelle et fabuleuse série Ab Irato; Jimmy Beaulieu et son superbe roman graphique Comédie sentimentale pornographique édité en France aux éditions Delcourt sous le label Shampooing qui mise sur l’originalité et sur l’avant-garde. Jimmy Beaulieu est le fondateur de Mécanique Générale qui, à l’instar de la Pastèque, l’éditeur de Michel Rabagliati, a placé sur les rayons des libraires et de nos bibliothèques publiques les albums de Pascal Girard, de Philippe Girard, de Leif Tande et de bien d’autres qui étaient présents à Québec en avril.

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Jimmy Beaulieu, Comédie sentimentale pornographique, Delcourt, collection Shampooing, 2010

Une autre manière d’évoquer la réussite québécoise est le constat d’un bon nombre de nos artistes édités en Europe par les grands éditeurs de Dargaud à Delcourt, de Casterman à Glénat. Je pense à VoRo chez Vent d’Ouest, à Labrosse et à Lamontagne chez Soleil, à Delisle autant chez l’indépendante Association que chez Dargaud. L’éditeur Glénat a maintenant sa succursale au Québec : le Radisson de Jean-Sébastien Bérubé est parmi la vingtaine de titres québécois de son catalogue. Notons au passage que des auteurs européens ont su, lors de leur visite au Festival de Québec, en profiter pour se documenter et délivrer leurs héros dans nos parages. Certains, comme Loisel et Tripp, sont même devenus Québécois. Ils ont concocté Magasin général, une superbe série sur notre vie champêtre des années 30 dans un petit village fictif de la région de Charlevoix. On nous convie aussi à la belle Montréal de l’époque. C’est magnifiquement mis en couleurs par un génie de celles-ci, François Lapierre. Chroniques sauvages, sa toute nouvelle BD qui est d’ailleurs un vrai délice, met en vedette un petit Indien.

Je suis content de voir un si bel essor et succès de notre BD au Québec et ailleurs.

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