Politique

Trois corbeilles de mariage

Par Simone Landry le 2011/01
Politique

Trois corbeilles de mariage

Par Simone Landry le 2011/01

Trois candidatures sérieuses, c’est-à-dire en mesure d’emporter le coeur de la future mariée, la belle région que recouvre le comté de Kamouraska-Témiscouata. Trois corbeilles de mariage. C’est à l’examen de chaque corbeille de mariage que l’on peut examiner la victoire à l’arraché du candidat du Parti Québécois, André Simard.

Du côté du PLQ, la corbeille était d’une grande richesse, tant sur les plans politiques et économiques que sur le plan humain. La candidate France Dionne, parrainée par le premier ministre du Québec, Jean Charest, avait été députée du comté de 1985 à 1997. Son dernier poste fut celui de déléguée générale du Québec à Boston, qu’elle a occupé depuis 2004. Remplacée par Claude Béchard en 1997, alors qu’elle a choisi de tenter sa chance au fédéral – sans succès –, elle est revenue cet automne pour prendre le relais de son successeur. Toujours dans la corbeille, le souvenir douloureux du ministre Béchard, très proche de son comté économiquement et politiquement, frappé par un cancer dont il reçut le diagnostic au lendemain du sauvage assassinat, à Rivière-Ouelle, en mai 2008, de son attachée politique Nancy Michaud.

Tout le comté est alors sous le choc, ce meurtre et l’évolution malheureuse du cancer de Claude Béchard, qui l’a emporté en septembre, contribuent à renforcer la profonde sympathie de la population à l’égard de cet homme, étoile montante du PLQ, dont la trajectoire s’est tristement éteinte. Le PLQ, pour s’assurer la victoire, ajoute dans la corbeille, cet automne, l’octroi du contrat du métro de Montréal à Bombardier, de même que le désaveu du projet de révision de la carte électorale du Québec présenté par le Directeur général des élections, lequel avait pour effet de dissoudre le comté dans un ensemble plus vaste. Une corbeille dont le contenu touchait avant tout les intérêts immédiats de la population du comté, dans la négation totale de la crise de confiance que traversent le PLQ et son chef dans tout le Québec.

La corbeille du Parti Québécois était plus austère. Marrainé par la cheffe de l’opposition officielle, Pauline Marois, le candidat André Simard n’est membre du parti que depuis l’été 2010, et c’est la colère de cet homme intègre, que la carrière de médecin vétérinaire l’a mené au poste de directeur de l’Institut de technologie alimentaire de La Pocatière en 2003, qui l’a poussé à choisir le Parti Québécois et à poser sa candidature lors de l’élection partielle. Dans cette corbeille donc, l’élément le plus important est cette indignation qui gronde de plus en plus au Québec, devant le dévoilement progressif de la corruption érigée en système dans les milieux de la construction et des liens étroits entre ces milieux, le parti libéral, certaines administrations municipales et sans doute aussi la mafia. Le refus cent fois réitéré du premier ministre Jean Charest de créer une commission d’enquête publique sur ces allégations de corruption – lesquelles, si elles ne sont pas encore démontrées, sont éminemment crédibles par la diversité et le sérieux des sources dont elles émanent – mine la confiance des Québécois en leurs institutions politiques. Le PQ a donc fait le pari que, malgré les trois dernières élections où il est arrivé troisième dans Kamouraska-Témiscouata, les électeurs choisiraient la corbeille de l’intégrité et de l’éthique, plutôt que celle des intérêts immédiats du comté. Qu’ils choisiraient l’opposition plutôt que le parti au pouvoir.

Pour l’ADQ, la corbeille contenait aussi cette posture anticorruption de nouveau affirmée haut et fort par son chef Gérard Deltell, qui a fait la une des médias tout récemment, en refusant de retirer l’épithète de parrain de la famille libérale dont il avait affublé le premier ministre. Le voici lui-même parrain du candidat Gérald Beaulieu, qui pour sa part s’est classé au deuxième rang, avant le PQ, au cours des trois dernières élections. L’aura du fondateur de l’ADQ, Mario Dumont, semble toujours planer sur les circonscriptions du Bas-du-Fleuve. Mais la corbeille de Gérald Beaulieu convient sans doute aussi à cette part de la population que l’option souverainiste inquiète et qui s’identifie davantage à la pensée de droite qu’à la vision plutôt sociale-démocrate du PQ.

Dans aucune des corbeilles, n’en déplaise à bien des analystes, ne figurait le fameux test du leadership de l’un ou l’autre des chefs… C’est dans la volatilité des sondages que se joue cet enjeu. Mais ce que la population de Kamouraska-Témiscouata a signifié au gouvernement Charest, c’est que l’intégrité est un enjeu à ses yeux plus important que les gains immédiats, hautement présents dans la corbeille libérale.

Cette victoire du PQ, c’est le commencement de cette démarche difficile qui permettra au Parti Québécois de prendre le pouvoir en 2012, de persévérer dans son inlassable travail contre la corruption, de réinstaurer un « bon » gouvernement et d’amener la nation québécoise à poursuivre sa longue marche vers la souveraineté. Il faudra beaucoup de patience, de constance, d’opiniâtreté à Mme Marois. Elle fait la preuve chaque jour, envers et contre tous, qu’elle en a à revendre.

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