S’il y a une chose qui caractérise les États-Unis en tant que nation, c’est le phénomène religieux. Au pays de la libre entreprise, des libertés individuelles, au pays de tous les excès, Dieu occupe une place de choix. In God we trust est imprimé sur les billets de banque, et plutôt que d’être considéré comme un blasphème, on y voit pieusement un rappel de la vertu à poursuivre.
En fréquentant les Américains dans leur vie de tous les jours, on découvre qu’ils évoquent Dieu avec une grande facilité, sans malaise. Bien des maisons sont décorées d’icônes religieuses. Dans certains Gîtes du Passant, les touristes doivent dire la prière avant d’entamer le déjeuner. Dans chaque petite ville ou village, plusieurs églises et chapelles se partagent l’engouement des fidèles. Aux États-Unis, on a le choix : catholiques et protestants peuvent adhérer à une des diverses confessions spécifiques. Bien entendu, dans les médias, la liberté de religion revient souvent comme une assise intouchable de la société. Mais lorsqu’on parle de religion, on sous-entend la chrétienté. Islam, bouddhisme et hindouisme sont considérés comme des clubs pour marginaux : c’est seulement bon pour les immigrants. Et les athées, minoritaires dans ce grand pays, dissimulent leurs convictions.
Au Québec, il est facile de se rappeler l’époque où la religion était omniprésente. Mais la diversité religieuse aux États-Unis amène un contexte qui n’a jamais existé chez nous : la concurrence entre confessions. Chez nos voisins du sud, les églises occupent une place de choix dans les pages jaunes. Vous avez bien lu. Pas seulement dans les pages blanches de l’annuaire téléphonique, non. Dans les pages jaunes, parmi les plombiers, les concessionnaires automobiles et les vendeurs d’assurances. Des pages et des pages de publicité où la religion devient un produit de consommation.
La diversité de courants religieux, particulièrement chez les protestants, crée des clivages, des divergences, une évolution en vase clos. Par exemple, chez les baptistes, il n’existe pas de structure, de hiérarchie. Pas de pape, pas de cardinaux, pas de chef pour dicter la voix à suivre, pas de « siège social » pour élaborer des procédures. Chaque église, chaque communauté baptiste évolue spécifiquement, en s’éloignant petit à petit d’un tronc commun. Pour séduire des fidèles, certaines branches jouent la carte d’un plus grand intégrisme, et proposent une lecture plus littérale des écrits saints. Ainsi, une majorité d’Américains sont créationnistes. C’est-à-dire qu’ils rejettent toutes tentatives d’explication scientifique quant à la création du monde. Celle-ci ne peut être qu’en concordance avec les textes bibliques. Ainsi, l’archéologie, la paléontologie, la géologie, la géomorphologie et l’astronomie sont rejetées du revers de la main. La pensée scientifique n’a pas sa place lorsque l’on cherche à imaginer le début du monde…
Tous les dimanches matin, les télévangélistes rivalisent d’astuces pour s’attirer un auditoire pieux. Certains sont connus pour leur approche centrée sur l’utilisation de la religion comme moyen de croissance personnelle. D’autres se concentrent sur la vente de produits dérivés, médaillons, livres divers, bibles annotées. D’autres encore proposent carrément aux auditeurs de faire un don à leur congrégation en échange de faveurs divines. Celles-ci pouvant même être d’ordre financier : un retour sur l’investissement en quelque sorte.
Mais les télévangélistes les plus préoccupants sont ceux qui n’hésitent pas à lancer un appel aux armes. Ce sont ceux qui relisent les textes bibliques en y allant de leurs interprétations sur le contexte actuel du Moyen-Orient. Le peuple juif est présenté en allié, le monde arabe en ennemi. C’est noir ou blanc, sans nuance. Et pire encore, car dans cette lecture de l’actualité, il n’y a pas de place pour le questionnement, l’analyse, le doute. C’est Dieu qui le veut, le fidèle n’a qu’à suivre.
Dans les débats actuels sur la présence de l’armée américaine au Moyen-Orient, les Américains se polarisent autour des deux grandes formations politiques. Mais une part non négligeable de la population est convaincue que les conflits actuels sont des étapes nécessaires pour la réalisation de la prophétie biblique. Pour eux, les bombardements, les tueries et l’occupation deviennent ainsi plus acceptables.