C’est bien connu : l’industrie minière est l’une des plus polluantes et des plus lucratives au monde. Au Québec, elle représente des expéditions de près de 5 milliards de dollars et génère plus de 50 000 emplois dans une trentaine de municipalités. Mais il suffit de regarder la réaction de la population face à l’éventuelle extraction d’uranium sur la Côte-Nord ou à la mine d’or de Malartic, en Abitibi, pour réaliser que cette industrie est fortement controversée et se demander : au Québec, comment gère-t-on les précieux métaux qui se trouvent dans notre sous-sol.
Une gestion déficiente
En mars 2009, le vérificateur général du Québec déposait un rapport inquiétant à propos du secteur minier. Ce rapport faisait état du laxisme du gouvernement vis-à-vis des compagnies minières et de son incapacité à gérer les ressources de notre sous-sol selon l’intérêt public. Non-paiement de droits miniers, abandon de sites contaminés ou transfert de responsabilités à des entreprises dont l’État n’avait pas vérifié la solvabilité : la liste de « cadeaux » que Québec faisait aux minières était longue.
Selon le vérificateur, 14 entreprises n’avaient versé aucun droit minier au gouvernement entre 2002 et 2008, alors que la valeur brute de leur production annuelle pouvait s’élever jusqu’à 4,2 milliards de dollars. Toujours d’après le rapport du vérificateur, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) effectuait rarement des rapports d’inspection sur les sites pour s’assurer qu’ils répondaient aux normes en vigueur, que ce soit pendant la période d’exploitation ou de restauration des sites contaminés.
À ce jour, 345 sites miniers ont été abandonnés et relèvent maintenant de l’État. Ce sont donc les Québécois qui devront assumer les coûts de leur restauration, qui s’élèvent aux alentours de 264 millions. Selon la Loi sur les mines, les industries minières doivent verser des garanties financières à l’État pour éviter que la restauration des sites ne pèse sur les épaules des contribuables. Toutefois, le rapport du vérificateur a démontré que plus souvent qu’autrement, ces garanties n’étaient pas respectées puisque les délais de dépôt et d’approbation des plans de restauration allaient au-delà des délais d’exploitation. Il est aussi arrivé que le MRNF approuve des plans de restauration sans avoir consulté le ministère de l’Environnement (MDDEP) ou considéré ses recommandations, comme le prescrit la loi.
Projet de loi 79
Suite à ce rapport controversé, le ministre délégué aux mines, Serge Simard, a promis d’instaurer une nouvelle politique. C’est dans cette intention que le projet de loi 79, déposé le 2 décembre dernier à l’Assemblée nationale, a été créé. Cette loi prévoit de poursuivre le développement minier et d’augmenter la richesse tout en respectant l’environnement et les communautés.
Si cette loi est adoptée, les minières devront faire approuver leurs plans de remise en état des sites non seulement par le MRNF, mais aussi par le MDDEP. Elles devront payer l’entièreté des coûts de restauration et non les deux-tiers, comme c’est le cas aujourd’hui. En outre, les entreprises devront verser l’argent qui servira à la restauration sous forme de garanties financières qui seront payées au MRNF sur une période de 5 ans, au lieu de 15.
Autre fait intéressant, les nouveaux projets qui impliqueront plus de 3 000 tonnes de minerai devront obligatoirement avoir fait l’objet de consultations publiques du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Finalement, en cas de non-respect de la loi, les entreprises pourraient payer des amendes, voire même se faire retirer leur permis d’exploitation.
Un pas dans la bonne direction
Le dernier budget du gouvernement Charest resserre déjà les normes imposées aux compagnies minières. Leurs redevances au gouvernement vont augmenter de 4 % d’ici 2012. Par cette mesure, Québec souhaite récolter 570 millions en droits miniers sur 5 ans. Selon les anciennes normes, il aurait amassé 327 millions. C’est dire combien le gouvernement était indulgent envers les minières.
De son côté, l’Association minière du Québec (AMQ) déplore ces mesures, qui viennent imposer des règles plus strictes à une industrie qui jouait depuis longtemps quasi sans surveillance dans son bac à sable. Dans un article paru en décembre dernier dans le magazine du Canadian Institute of Mining, l’AMQ affirmait toutefois appuyer l’augmentation à 100 % de la couverture des coûts de restauration des sites et le resserrement des mesures réglementaires du MRNF, mais ne s’attendait pas à ce que des mesures soient prises avant l’adoption du projet de loi 79.
Les audiences publiques sur le projet de loi 79 devraient débuter le 12 mai. Mais cette loi, une fois adoptée, respectera-t-elle les intérêts et les ressources des Québécois ? Une chose est certaine, le gouvernement devra prendre d’importantes décisions concernant le développement minier, puisque plusieurs comparent déjà sa façon de le gérer à celui des pays en voie de développement.