Nous aimerions répondre aux commentaires que M. Michael Binder, président de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), a publié sur le site de la CCSN1 concernant notre lettre du 12 mars 20102. Notant le fait que M. Binder amène la question de la responsabilité dans son article, nous posons à la CCSN les questions suivantes :
1. Le rapport d’août 2009 de la CCSN affirme que la rétroactivité nucléaire positive des CANDU soulève de graves inquiétudes concernant les conséquences d’un accident avec grosse perte d’eau de refroidissement. N’est-il pas la responsabilité de la CCSN d’informer le public avec rigueur de l’ampleur possible des déversements de radioactivité dans l’environnement advenant un tel accident ? Quelle est-elle en comparaison avec la catastrophe de Tchernobyl ?
2. Robert Alvarez de la National Academy of Sciences aux É.-U. a publié une étude avec des collègues en janvier 2003 où il démontre qu’une attaque terroriste sur les déchets radioactifs entreposés à côté des réacteurs nucléaires pourrait déverser dix fois plus de radioactivité dans l’atmosphère que la catastrophe de Tchernobyl3.
Est-ce que la CCSN est d’accord avec les conclusions de Robert Alavarez et collègues ?
Est-ce que la CCSN assumera la responsabilité d’obliger les propriétaires de réacteurs CANDU à construire des confinements physiques assez robustes pour réduire les conséquences d’une attaque terroriste sur les aires d’entreposage des déchets radioactifs, ou sur la salle de contrôle, ou sur le réacteur lui-même ?
3. Le 16 février 2010 la firme parapublique Ontario Power Generation (OPG) a annoncé sa décision de ne pas refaire les quatre réacteurs CANDU de sa centrale Pickering B, jugeant que ce ne serait pas rentable. Le 7 avril 2008, la CCSN avait refusé un document préliminaire au ISR (Integrated Safety Review) de OPG pour la réfection planifiée de Pickering B.
Est-ce que la CCSN pourrait informer le public québécois et néo-brunswickois à savoir si OPG considérait que la solution des 16 problèmes décrits dans le rapport de la CCSN d’août 2009 serait trop difficile, voire impossible dans des délais raisonnables, pour rendre l’aventure rentable ?
4. Madame Marie-Élaine Deveault, porte-parole officielle d’Hydro-Québec, a publié des informations sur le projet de réfection de Gentilly-2 qui manquent de rigueur. Le 10 avril 2009, elle affirmait ceci dans une lettre au journal Le Devoir : « À la suite d’audiences publiques, Hydro-Québec a reçu toutes les autorisations requises et le projet sera réalisé conformément à toutes les normes en vigueur. »
Est-ce que la CCSN pourrait informer le public québécois que l’Examen intégré de sûreté (EIS, en anglais ISR, Integrated Safety Review) n’a pas encore été soumis à la CCSN par Hydro-Québec, et encore moins approuvé ?
Dans un communiqué publié sur le site d’Hydro-Québec, Mme Deveault a accusé Radio-Canada de « diffuser des propos non-fondés et alarmistes » à la suite de la diffusion d’un documentaire à l’émission Découverte du 1er novembre 2009 qui portait sur le projet de réfection de Gentilly-2.
N’est-il pas de la responsabilité de la CCSN d’intervenir et de documenter clairement les conséquences d’une impulsion de surpuissance nucléaire dans un réacteur CANDU suite à une perte importante de caloporteur dans le système de refroidissement ?
En conclusion, nous tenons à souligner que nous partageons avec la CCSN le noble but d’empêcher un grave accident nucléaire de dévaster la vallée du Saint-Laurent. Avec les vents prédominants de l’ouest, un grave accident en Ontario serait également néfaste pour le Québec. Nous apprécions profondément le travail très compétent de la CCSN dans le domaine des réacteurs nucléaires et nous nourrissons l’espoir que leurs dirigeants assumeront pleinement la responsabilité de mettre en vigueur les meilleures normes internationales de sûreté nucléaire, tel qu’affirmé dans la nouvelle réglementation datée de juin 2008.
La prédécesseure à la présidence de la CCSN, Mme Linda Keen, avait veillé avec courage et intelligence à ce que les meilleures normes internationales soient respectées non seulement pour les nouveaux réacteurs, mais aussi pour les réacteurs en projet de réfection, comme Gentilly-2 et Point Lepreau. Suite à un accident grave qui déverserait de la radioactivité sur les États-Unis, il est certain que ce pays intenterait des poursuites judiciaires très coûteuses contre les parties responsables. Comme dans le cas du procès en cours en France contre les parties responsables de l’écrasement d’un Concorde le 25 juillet 2000 près de Paris, le cas des CANDU présente un défaut connu, l’emballement potentiel conduisant à une énorme impulsion de puissance thermique nucléaire. Avec cette faiblesse de conception des CANDU les propriétaires de ces réacteurs se mettent en position vulnérable par rapport à toutes les conséquences, physiques, financières et légales, d’un accident nucléaire grave.
Notes:
1. À lire sur le site du CCSN : www.nuclearsafety.gc.ca.
2. Celle-ci est parue entre autres dans le Bulletin régional du cyberjournal du Saguenay-La-Saint-Jean :
www.lbr.ca/article-4-13279.html.
3. À consulter sur le site : www.princeton.edu.