Le voile sert à dissimuler, à cacher quelque chose, à soustraire une réalité ou une vérité à la lumière du jour. Derrière une opacité plus ou moins dense peuvent se terrer aussi bien le mystère que l’horreur, à l’abri de cette fine membrane peut vibrer l’érotisme le plus débridé, tout comme peut se morfondre une sujétion maladive, fruit de l’oppression, du fanatisme religieux et du sexisme.
Nous composons des sociétés ouvertes qui œuvrent, depuis peu pour certaines, à nous défaire des carcans qu’imposent les religions et leurs églises, lesquelles cherchent imparablement à assujettir les populations à leurs dogmes, quitte à investir toutes les sphères et tous les lieux de l’activité humaine pour ce faire. Nous formons des collectivités qui ne sont même pas encore parvenues à briser cette infamie la plus terrible : l’inégalité entre les sexes. Nos mères, nos sœurs, nos épouses, nos amies souffrent toujours de discrimination au chapitre de l’emploi et de l’égalité des chances et des salaires. Ce sont elles qu’on trouve encore en trop grand nombre parmi la liste des personnes battues, violées, abusées, soumises au chantage et à la sujétion, quand elles ne se font pas carrément assassiner par un conjoint qui vient de disjoncter. Et que dire des outrages, des exactions et des crimes horribles dont elles sont victimes en temps de guerre ou dès que la structure sociale est ébranlée, comme c’est le cas présentement à Haïti.
Rien n’est jamais acquis en matière de droits de la personne ni au chapitre de la séparation de l’Église – ou de la Morale versus l’infiltration idéologique – et de l’État. Regardez le plus ou moins subtil glissement que le gouvernement conservateur est en train de faire subir à la société depuis quelques années. Voyez comment un État de droit peut subtilement glisser vers un État de droite et comment la pensée idéologique peut graduellement contaminer la vie publique et saper des fondations qu’on croyait pourtant à toute épreuve. Science versus croyance, réalité scientifique versus système de pensée fondé sur un dogme. Darwin et le créationnisme.
Il est faux de prétendre que le peuple québécois est raciste, xénophobe, fermé aux autres et à leur culture. Première réalité : le peuple québécois est un peuple composite, la mouvance québécoise n’est pas le fait d’un bloc monolithique ; si souches il y a, il y a aussi racines sous les souches et ces racines, ces multiples radicelles, elles s’alimentent et s’abreuvent à d’innombrables sources. Des métissages et des croisements ont eu lieu avec les Autochtones, avec les soldats en provenance d’Allemagne ou d’ailleurs en Europe avant et après la Conquête ; avec les conquérants anglo-saxons eux-mêmes venus d’Angleterre et avec leurs semblables écossais. Cette hybridation a continué à s’opérer sans cesse puisque, deuxième réalité, le Québec a toujours été une terre d’accueil. Il l’a été pour les Acadiens suite à la Déportation, il l’a été pour les Irlandais au moment où les Anglais les dépossédaient de leurs terres1 – de 1830 à 1832, 146 000 d’entre eux transitent par la ville de Québec dont la population est de 23 000 personnes – ; il l’a été pour les immigrants européens fuyant la guerre ou l’après-guerre – Italiens, Polonais, Hongrois et autres ; il l’a été pour les « boat peoples » vietnamiens ; pour les Haïtiens réfugiés de Duvalier ou les Chiliens de Pinochet ; le Québec a ouvert ses portes aux objecteurs de conscience américains lors de la guerre du Vietnam. Il accueille encore aujourd’hui des orphelins de toute provenance. Les rapports n’ont pas toujours été au beau fixe, surtout lorsque il a fallu imposer le français comme langue première, pour une simple question de survie nationale. Mais on peut affirmer somme toute qu’au Québec, les relations entre les différents groupes humains se font sur une base d’ouverture et de compréhension mutuelle.
La sauce s’est gâtée ces dernières années. Il ne faut pas s’en cacher : il existe un fanatisme islamiste qui fait peur, qui relègue la femme à un statut de quasi esclave, qui prône et revendique ouvertement la mainmise de la religion sur l’ensemble des institutions, qui veut substituer une république religieuse à l’État de droit, qui cherche à jeter un voile sur des acquis gagnés de haute lutte. Cet obscurantisme ressemble étrangement à un film que nous avons déjà vu, à un scénario où nous avons déjà donné, à des ornières dont nous avons mis des décennies et des décennies à nous dépêtrer. On ne peut négocier avec l’intransigeance, la vie doit se vivre à visage découvert. Un point, c’est tout.
Notes:
1. De 1830 à 1832, 146 000 d’entre eux transitent par la ville de Québec dont la population est de 23 000 personnes.