Culture

Regard vers le Nord

Par Bernard Voyer le 2010/03
Culture

Regard vers le Nord

Par Bernard Voyer le 2010/03

Avant de vouloir comprendre et vivre sa nordicité, il faut d’abord et avant tout regarder vers le Nord. Debout, face au fleuve, jeter son regard vers le bout de l’île Saint-Barnabé et vers l’horizon qui s’en détache. Cet horizon où nos yeux ne voient que le mariage de l’eau et du ciel, c’est de là que vient la nordicité. Elle se manifeste tantôt en rafale, tantôt en flocon et nous enveloppe de sa présence. L’accepter, c’est mieux la comprendre. Prendre un grand respire pour qu’elle nous habite, la sentir et lui toucher pour réaliser qu’elle a accompagné nos premiers pas, nos premiers sourires.

Demi-tour, cette fois, face à la rive, pour constater qu’elle a construit les bâtiments et maisons en fonction de sa puissance et de son omniprésence. La cathédrale, qui lui offre sa plus belle façade, sonne ses cloches pour lui dire que nous sommes toujours là avec elle. Les rues longent ou s’éloignent du vent, prennent de la hauteur pour mieux l’apercevoir. Tout est fonction de la nordicité. Quelle que soit la saison, elle se manifeste. Si chaud qu’il arrive de se demander si elle ne s’est pas enfuie, si froid qu’elle nous empêche de dire qu’elle peut être cruelle. Son alternance nous fait vivre différemment, les lectures à la pénombre se succèdent aux ballades tardives sur le sable chaud. Elle nous déboussole sans jamais perdre le nord.

La nordicité nous procure des avantages sans contredit. Elle nous apprend à s’adapter avec les saisons tant marquées, à varier notre alimentation, la façon de se vêtir, de se divertir et de réfléchir ! Oui, elle suscite et provoque l’intelligence. Comment construire nos routes, nos ponts, comment isoler nos maisons et pouvoir se rendre au travail avec ces froids intenses ? Elle nous apprend à bousculer nos habitudes, au moins deux fois l’an ; elle nous rend nageur et skieur, nomade et sédentaire. La forêt fait de même, elle se transforme tout comme la fourrure du lièvre ou du renard. Elle est la naissance de l’espoir, d’une saison meilleure, d’une récolte abondante, du calme hivernal.

Impossible à abolir, la nordicité s’attache aux coordonnées géographiques. Nous sommes là, à un endroit précis sur le globe terrestre et c’est à cet endroit que nous vivons, que nous avons appris à vivre. Cette lumière naissante des mois sombres nous permet de voir loin dans les sous-bois, voir d’où nous venons. Les traces dans la neige infinie nous indiquent notre itinéraire tout comme les champs cultivés déterminent les frontières du labeur. Une fierté collective émane de notre capacité à vivre la nordicité. Il suffit de s’éloigner d’elle pour s’ennuyer, de lui tourner le dos pour avoir froid, de ne plus la regarder pour la voir partout. Pour ma part, elle sait guider mes pas. Je m’arrête de nouveau pour regarder vers le fleuve, pour être avec Elle.

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