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Transmettre quoi?

Par Michel Vézina le 2009/09
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Transmettre quoi?

Par Michel Vézina le 2009/09

« On est responsable de tout ce qu’on laisse faire. » Qui a dit ça, déjà?

Les escrocs à cravate pullulent : chiens, bandits, pourris… Et on grogne sans rien faire. On les croise dans la rue et on leur sourit, des fois qu’ils auraient une job pour nous. Ça bouffe du F.I.E.R., ça s’enrichit de la main gauche à même les fonds publics en faisant profiter leurs petites entreprises privées de la main droite. Nous, et ben on grogne, on mâche notre guenille, et on ne fait rien. On attend que ça passe. Des autruches du nord, la tête dans le sable fret et sale.

La transmission

Provoquer le mouvement, la circulation. Mais que transmettre? Bouger vers quoi? Vers où? Selon quelles valeurs? C’est bien beau de vouloir changer le monde, mais pour le remplacer par quoi? Regardez les derniers qui ont voulu le changer. Enfin, quand je dis « les derniers », je ne parle pas d’individus, mais d’un groupe, d’un mouvement, d’une génération… Que sont-ils devenus? En plus d’être pour la plupart cyniques et incapables d’admettre leur échec, ils sont souvent pires que ceux qui les ont précédés qui eux, au moins, avaient une certaine morale chrétienne qui ralentissait leur élan vers la création de l’horreur. Ceux qui, aujourd’hui, détiennent le pouvoir – donc le cash – sont ceux-là même qui, il y a à peine une quarantaine d’années, scandaient la paix et l’amour, hurlaient contre le capitalisme, envoyaient chier les dirigeants de ce monde, demandaient la fin de la guerre du Viet Nam…

Maintenant, ici, ils votent à droite (parce que ce sont eux qui votent, non?), ils gardent un œil sur leurs investissements qui, soit dit en passant, doivent, pour respecter la loi première du capitalisme, continuer de croître sans cesse. Or pour faire croître un investissement, pour rendre heureux l’actionnaire que vous êtes par vos fonds de pension, vos REER et vos obligations d’épargnes, il faut souvent mettre à pied, rationaliser et serrer la vis… Mais je vous entends tous les jours dire que telle ou telle fermeture d’usine est dégueulasse, je vous entends brailler que vos enfants n’ont pas de jobs, je vous entends geindre que les patrons sont des sans-cœurs… Mais qui êtes-vous, vous, l’épargnant qui s’enrichit? Que faites-vous?

La transmission, c’est difficile quand on a les yeux fermés et qu’on se bouche les oreilles à deux mains.

Et de toute manière : transmettre quoi? Le mensonge généralisé? Votre ignorance? Et s’il osait vouloir transmettre, les vieux croulants que vous êtes devenus seraient obligés de mettre à jour les contradictions qui émaillent les logiques mensongères de leur propre pensée.

No Future! Moi je dis qu’il ne faut plus rien transmettre : on ne ferait qu’apprendre à nos enfants comment mieux exploiter, comment mieux voler, comment mieux détruire l’agriculture, comme faire de l’art une industrie culturelle encore plus vide, encore plus épouvantablement carnassière de vos divertissements. Comment salir, polluer, tuer, gaspiller, enlaidir, et j’en passe et des moins belles, le tout par procuration, sans se salir les mains, et en croyant dur comme fer que vous n’êtes responsables de rien.

Enfants, n’écoutez surtout pas vos parents! Ils ont tout faux, ils ont tout raté. Ils n’ont rien à vous apprendre que la bouillie somatisée qu’est devenu leur cerveau, rien à vous transmettre que les quelques miettes que leur boulimie aura laissé tomber. Rien à vous enseigner que la culture de déresponsabilisation qu’ils ont créée et mise en place pour faire de ce monde qui est le nôtre, la belle affaire qu’il est devenu. Enfants, résistez, de grâce!

Parlant de transmission

J’aime bien, de temps en temps, fumer mon petit joint de haschich. La semaine dernière, je visitais my man – comme l’appelait Lou Reed, cette vieille outre débondée – et il me proposait de l’afghan noir. Wow! J’achète, tout de suite! Mais en sortant de chez lui, me vient une question : comment ça se fait qu’il y ait du hasch afghan en circulation. Que je sache, l’Afghanistan, c’est bien ce pays assiégé depuis 2002 par nos armées. Or on sait (parce que c’est écrit partout) que les Talibans – nos « ennemis » – financent leur guerre avec le commerce de la drogue. Pavot et chanvre poussent à qui mieux mieux sous le soleil cru de l’Afghanistan. D’accord, jusqu’ici tout va bien, tout se tient.

C’est une chose que de produire, mais pour financer, faut aussi vendre, et en bons dollars US… Ce que l’ennemi achète avec le fric de la dope, ce sont des armes. Et les deux se transigent en billets verts. Sauf que, pensez-y bien, ce pays est assiégé. Comment imaginer qu’un bateau, un avion, un truck ou une caravane puisse passer la frontière afghane sans être aussitôt identifié, fouillé et saisi?

Vous me suivez? Montréal (et probablement aussi bon nombre de métropoles occidentales) est aujourd’hui pleine de hasch et d’héro venus de ce pays contre lequel nous sommes en guerre.

Mais qui importe? Qui assure le transport? Qui procède aux deals, aux échanges de dollars, à la distribution? Les Hell’s? Les mafias? J’imagine qu’à un moment ou à un autre, ils participent au business, mais ça m’étonnerait qu’ils soient sur place, là-bas, pour conclure les échanges. Non. Quelqu’un d’autre s’en occupe, mais qui? Qui traverse les frontières sans restrictions, sans passer les douanes? Je me demande bien, vraiment…

Pourquoi sommes-nous en Afghanistan, en passant? Me souviens plus…

Ah oui, transmettre, c’est ce dont il est question, ici et là-bas. Transmettre les joies de la démocratie, de la libre entreprise. Oui. Bien sûr.

Transmettre ou ne pas transmettre, là est la question. T’avais bien raison, William!

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