Champ libre

Entre mémoire et devenir

Par Thérèse Bélanger le 2009/07
Champ libre

Entre mémoire et devenir

Par Thérèse Bélanger le 2009/07

Dans le créneau des arts visuels, le Musée du Bas-Saint-Laurent se distingue d’une part par son mandat de gardien d’une mémoire collective régionale réunie dans le plus important fonds photographique au Canada. Issus de quinze sources différentes, ses 200 000 négatifs sont de minuscules lumières dans notre longue nuit du numérique et du Web. C’est dans ces fonds de photographies anciennes que l’organisme a puisé pour réaliser l’exposition permanente Intersections (2006) et la projection multimédia Le rêve d’Ulric Lavoie : photographe… aveugle! (2009) présentée jusqu’au 27 septembre 2009. D’autre part, le Musée du Bas-Saint-Laurent se démarque par sa position visionnaire à l’égard de l’art contemporain. Il peut donc construire d’étonnantes passerelles entre un passé rassurant et des lendemains audacieux.

Le Musée du Bas-Saint-Laurent est « Devenir », à travers une véritable passion pour la diffusion de l’art actuel de niveau national et international. Au cours des vingt dernières années, il a acquis plus de 3 000 œuvres picturales et spatiales réalisées par des créateurs canadiens de tous horizons. Cette collection de premier plan permet la conservation et la production d’expositions/résidences destinées à devenir itinérantes hors de nos frontières. Dans cette foulée, et en collaboration avec Loto-Québec, le Musée du Bas-Saint-Laurent présente dans la salle Premier Tech un segment de l’exposition Nomade, la Collection Loto-Québec en mouvement jusqu’au 27 septembre. Une cinquantaine d’œuvres majeures forment un corpus réalisé entre 1896 et 2008 par 44 artistes québécois. Certains d’entre eux ont préparé la Révolution tranquille, d’autres ont vécu au cœur de celle-ci, et quelques uns l’ont vigoureusement niée. Ainsi les amateurs d’art, qu’ils soient néophytes ou fins connaisseurs, sont invités à une importante traversée de l’histoire, à un vertigineux voyage débuté avec le symbolisme de Leduc pour se terminer avec l’art actuel des Béliveau, Vincent, Belleau, et autres. Un arrêt est obligatoire au cœur de la période des automatistes avec les œuvres de Gauvreau et Ferron, puis devant la figuration renouvelée avec celles de Lemieux. Nomade est éclatée, représentative de plus d’un siècle de création en art visuel et de toutes les techniques pratiquées et matériaux utilisés au cours de ses 112 ans d’histoire. Œuvres uniques, multiples, sculptures, photographies et impressions numériques évoquent les écritures figuratives, abstraites, gestuelles, formelles, informelles, narratives ou conceptuelles.

Le Musée du Bas-Saint-Laurent est « Mémoire », par la mise en valeur de l’histoire régionale avec l’exposition permanente interactive Intersections présentée dans la salle Hydro-Québec depuis 2006. D’une facture dynamique et méthodique – et quelque peu didactique – basée sur les possibilités du multimédia,Intersections permet aux visiteurs de questionner l’histoire régionale du début du siècle, histoire se déroulant à la croisée des chemins fluviaux, ferroviaires et routiers. Les visiteurs de 5 à 95 ans prennent un malin plaisir à reconstruire quelques scènes de familles bourgeoises ou paysannes, ou des cartes géographiques et des paysages telluriques singuliers au Bas-Saint-Laurent. Les jeux thématiques, les écrans tactiles, le studio de photographie virtuelle, les postes de recherche de photographies anciennes et les jeux virtuels, malgré leurs divers niveaux de difficulté, demeurent de riches exercices d’exploration, de mémoire et d’habileté intellectuelle.

Toujours soucieux de préserver la mémoire collective d’une région dont les frontières se mesurent à l’aune des souvenirs de ses habitants, le Musée du Bas-Saint-Laurent jouxte à Intersections l’exposition temporaire Le rêve d’Ulric Lavoie, photographe… aveugle! Dans un espace très intime, une vingtaine de visiteurs assistent à la projection d’un court métrage de huit minutes basé sur un rêve de ce photographe devenu aveugle à l’âge de 25 ans. La trame narrative très efficace montre l’angoisse de celui qui perd progressivement la vue, celui qui sait que par le seul souvenir des photos il retrouvera son propre visage. Le rêve de Lavoie fait surgir, en boucle, sur quatre écrans superposés, un demi-siècle d’existences bigarrées de draveurs, de commerçants, de paysans, de notables, d’enfants vêtus des lumières du matin, de rumeurs amplifiées par le bruissement des longues jupes, de couples jeunes et vieux et de ces incroyables tempêtes venues du grand large.

Cette odyssée humaine, tirée du quotidien d’un autre siècle, a été rendue possible grâce à une talentueuse manipulation de photos anciennes choisies parmi les 27 000 négatifs sur verre, en nitrate de cellulose et sur pellicule d’acétate de la collection Ulric Lavoie. Ainsi, pendant quelques instants, fragments et empreintes d’un temps révolu virevoltent sur nos rétines pour l’émergence d’un dialogue nouveau articulé autour du plaisir de regarder, de regarder encore, de regarder longtemps. Un dialogue autour de la réflexion d’un non-voyant face au phénomène de la vieillesse et, surtout, autour de cette grande sérénité du photographe retrouvée à la seule pensée que le visage des êtres aimés peut être conservé à tout jamais par la mémoire et sans la complicité du regard extérieur. De plus, le visiteur retrouvera l’atmosphère du studio d’antan recréée par certains meubles trompe-l’œil, la caméra d’origine utilisée au tout début du XXe siècle pour la prise des clichés qui forment la présente collection, de même que plusieurs autres objets désormais entrés dans la légende.

La programmation estivale se complète par la présentation dans le hall d’entrée du Musée du Bas-Saint-Laurent du premier volet d’une série d’événements portant sur le phénomène de la carte postale. Intitulée Rivière-du-Loup à la carte – le volet maritime, cette exposition présente, jusqu’au 27 septembre, une quinzaine de cartes postales reproduites en grand format. Cette première incursion dans ce domaine souligne le centième anniversaire de la Traverse Rivière-du-Loup/Saint-Siméon/Tadoussac, en illustrant le lien qui unit le fleuve à la ville.

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