Le but de cet article est de formuler une réponse au texte intitulé « Le dilemme entre homo sapiens et homo faber1 », paru dans le dernier numéro du Mouton NOIR. Dans ce texte, l’auteur utilise et critique le guide de l’éolien intitulé Énergie éolienne et acceptabilité sociale. Guide à l’intention des élus municipaux du Québec, paru récemment, pour condamner le modèle de développement éolien actuel, notamment « la culture de la croissance dont la finalité est le profit » et « l’idéologie de la technique ». Bien qu’une critique de ce modèle soit pertinente et nécessaire, ce Guide ne se voulait pas une critique ni une réponse à la suprématie de la technique et de la logique du profit propre à notre société capitaliste. Nous jugions important de proposer un guide qui, tout en s’articulant dans le cadre institutionnel, économique et social actuel, permettrait d’outiller les élus municipaux du Québec face aux problématiques de développement qu’ils rencontrent sur le territoire.
Rappel des principaux objectifs et partenaires du Guide
Le Guide est un projet issu d’une coopération décentralisée entre la France et le Québec. Il est le fruit d’un triple partenariat ayant mobilisé régions, organismes régionaux et universités2. Il traite de l’acceptabilité sociale en regard de la filière éolienne et s’adresse principalement aux élus municipaux. Le cadre institutionnel de l’éolien au Québec, les caractéristiques des projets éoliens, les impacts et retombées des projets, l’acceptabilité sociale et, enfin, les rôles et responsabilités des élus y sont présentés. Il s’appuie sur une documentation abondante dont les différentes thématiques sont abordées par des spécialistes dans leur domaine3. Chaque projet éolien étant unique, celui-ci peut mener à des résultats différents en termes d’acceptabilité sociale. Ce Guide ne cherche donc pas à donner des réponses toutes faites aux élus. Il cherche plutôt à les informer sur les éléments qui pourraient leur donner les moyens de prendre des décisions en connaissance de cause et veut les accompagner lorsqu’il s’agit de réfléchir au développement de la filière éolienne.
Une question de jugement?
Le Guide présente l’importance de l’information, de la consultation et de la concertation lors de l’analyse d’un projet éolien. Il n’a pas la prétention de dire aux élus quoi penser et ne désire en aucun cas le faire. Il cherche à favoriser la discussion et la transparence entre la population locale, les instances municipales et le promoteur afin que les élus puissent se positionner face au développement qu’on leur propose et évaluent la pertinence qu’ils auraient à y participer. L’auteur du « Dilemme entre homo sapiens et homo faber » souligne que l’enjeu principal entourant l’information, la consultation et la concertation comme extension de la démocratie participative, relève du jugement plutôt que du savoir tel que le suggère le Guide. Le jugement serait ainsi le gage d’une décision moins assujettie aux intérêts des acteurs dominants (tels que les promoteurs privés, par exemple). Par définition, la capacité de jugement est en soi critique, alors que l’information relève de faits qui peuvent être et qui sont souvent instrumentalisés. Pour ces raisons, le jugement se révèle évidemment primordial dans tout processus décisionnel. Cependant, il est important de connaître, de savoir, de s’informer avant de porter un jugement. Un Guide qui présenterait quoi penser ne serait alors que de la propagande; ce qui n’était évidemment pas notre objectif.
Que faire?
L’auteur a le mérite de souligner que, « pour des raisons certes louables et nécessaires, le Guide a fait le choix de proposer une amélioration du modèle de participation sans toutefois aborder de front la source de tous ces problèmes : le règne de la culture entrepreneuriale qui s’appuie sur le secret, l’opacité et les prises de décision à huis clos. » Si l’auteur reconnaît ce fait en fin d’article, il ne le prend cependant pas en considération dans l’ensemble de son texte. Critiquer la logique du profit, la culture entrepreneuriale du secret, les prises de décisions à huis clos et le culte de la technologie est une chose, critiquer le Guide présenté aux élus municipaux en est une autre, mais utiliser et critiquer le Guide pour s’opposer au modèle de développement éolien actuel est « une équation qui ne va pas de soi »… Ce comportement pourrait décourager d’autres initiatives du même ordre, qui souhaiteraient aider les élus ou collectivités locales dans les démarches et difficultés rencontrées actuellement. En attendant le Grand Soir, cette rupture révolutionnaire nous portant vers un monde meilleur, nous invitons tous les homo faber, homo oeconomicus, animal laborans ou homo sapiens à se faire leur propre opinion sur le Guide en allant le consulter ou le télécharger sur Internet : http://www.uqar.qc.ca/crdt/fr/frames.html. Des copies papier pourraient aussi être distribuées sur demande.
Auteur pr incipal du Guide; membre de l’Unité de recherche sur le développement territorial durable et la filière éolienne (de l’UQAR); membre du Laboratoire de recherche en énergie éolienne (de l’UQAR).
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Notes:
1. Texte de Raymond Beaudry paru dans Le Mouton NOIR, vol. XIV, no 2, novembre-décembre 2008, p. 10.
2. Ce projet est une initiative des Conférences régionales des élus de l’Est du Québec (Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Chaudière-Appalaches, Côte-Nord, Bas-Saint-Laurent), de la région Poitou-Charentes (France), de l’Université du Québec à Rimouski et de l’Université de La Rochelle (France).
3. L’Unité de recherche sur le développement territorial durable et la filière éolienne (de l’UQAR) présente les facteurs constitutifs de l’acceptabilité sociale, le cadre institutionnel de l’éolien et deux études de cas de projets spécifiques; la Chaire de recherche du Canada en développement régional et territorial (de l’UQAR) aborde la question des impacts visuels des projets éoliens; le Laboratoire d’Étude des Phénomènes de Transfert et de l’instantanéité : Agro-ressources et Bâtiment (de l’Université de La Rochelle-France), la question de l’environnement sonore et des infrasons; le Conseil régional de l’environnement du Bas-Saint-Laurent, les impacts sur l’environnement; le Laboratoire de recherche en énergie éolienne (de l’UQAR), les revenus générés par une éolienne et les caractéristiques des projets éoliens; la Coopérative de développement régional Bas-Saint-Laurent-Côte-Nord commente les différentes formes de partenariats possibles pour les municipalités et présente la voie coopérative.