Société

Châtelaine, l’hypersexualisation et le CSF

Par Raymond Beaudry le 2008/11
Société

Châtelaine, l’hypersexualisation et le CSF

Par Raymond Beaudry le 2008/11

Le 19 septembre dernier à l’UQAR, la présidente du Conseil du statut de la femme (CSF), Christiane Pelchat, a donné une conférence1 qui portait sur l’avis du CSF intitulé Le sexe dans les médias : obstacle aux rapports égalitaires.

Lors de cette rencontre, nous avons appris que certains médias, dont le magazine Châtelaine, ont très mal réagi à la publication de l’avis du CSF. Dans un billet paru en septembre 2008, Lise Ravary prétend que l’hypersexualisation de l’espace public est chose révolue, que les théories sur lesquelles s’appuie l’avis sont dépassées, que la sexualité défendue par le CSF est dépourvue de toute forme de séduction, que le soutien de l’État à la lutte contre l’hypersexualisation relève de « bondieuseries féministes » et qu’il ne peut tout régler.

Toujours selon Ravary, il ne faudrait pas croire que ce sont les magazines qui sont responsables de l’image dégradante de la femme et penser que l’État devrait intervenir dans les affaires familiales. C’est d’abord une question d’éducation dont la responsabilité revient aux parents (la mère en particulier) qui n’ont qu’à dire « non » à leur fille et à lui interdire ainsi ce qu’ils jugent inacceptable. Tout peut alors se régler au sein de la famille sans qu’il soit nécessaire de faire appel à « la censure ou à la subvention ».

Il n’y avait qu’un petit pas à faire pour que l’éditorial du « nouveau »2 Châtelaine d’octobre 2008 réclame l’abolition du Conseil du statut de la femme pour le remplacer par un Conseil du statut de la personne qui serait « plus moderne » et « plus inclusif », comme si le mouvement des femmes visait l’exclusion des hommes dans ses revendications pour l’égalité et la liberté de parole.

Dans le même « nouveau » Châtelaine, l’article de Sophie Durocher, « Les Québécoises sont belles mais pas assez sexy », s’en prend aussi à l’avis du CSF pour qui la séduction serait une idéologie qui menace le mouvement féministe. Selon Durocher, la perte de la séduction conduirait « à la disparition de l’espèce » humaine. La preuve : le crabe, le papillon et le criquet usent de séduction pour attirer leur partenaire; un caractère sexuel propre aux animaux tout comme à « la femme [qui] est un animal comme un autre ».

Alors, toujours selon Durocher, si vous êtes une femme qui possède les attraits de la séduction, pourquoi les cacher? Faites voir vos atouts, ayez de l’audace, bref, usez de séduction puisque votre corps est ce qui constitue la garantie de vos relations amoureuses et sociales. Délaissez vos robes paysannes lors des galas, faites appel à nos designers québécois « capables de faire des robes du soir sexy et ultraféminines ».

Pourtant, cette injonction se retourne bien souvent contre les femmes que les masculinistes accusent d’user de séduction pour dominer les hommes ou pour déconcentrer les garçons à l’école.

Bref, les articles de Ravary et de Durocher publiés dans Châtelaine se caractérisent par le fait que la famille tend à devenir le lieu des solidarités sociales, que l’État doit se retirer des questions sociales, que le mouvement des femmes est en grande partie dépassé, qu’il procède à une mauvaise lecture des enjeux sur les relations sexuelles et que les théories naturalistes sont celles qui déterminent les rapports de sexe.

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Notes:

1. Cette rencontre était organisée par le CALACS de Rimouski dans le cadre de la journée d’action contre la violence faite aux femmes.

2.  Dont la seule nouveauté est la présence de Benoit Dutrizac dans un magazine féminin comme preuve d’ouverture à l’égard des hommes, alors que, pour le reste, la féminité est réduite à des images de femmes fatales au service des marchands de mode.

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