
Que l’on s’informe à la télé, dans les journaux ou via la littérature scientifique, il est facile de se décourager si l’on aspire à une société plus soutenable, juste et démocratique dans un contexte de bouleversement social, écologique et économique. Le changement de trajectoire à effectuer pour les communautés est grand, mais certaines osent se lancer dans cette aventure complexe. Voici en quelques mots notre expérience.
L’autonomisation comme horizon
Parmi les multiples activités à Saint-Valérien, l’adhésion au projet panquébécois des Ateliers des Savoirs Partagés (ASP) est un bon point de départ pour décrire comment nous percevons notre communauté. En 2021, la municipalité a été approchée pour participer à un projet de recherche universitaire visant à documenter et à soutenir certaines communautés s’orientant vers la transition socioécologique. Le comité ASP de Saint-Valérien a fait le pari que c’est en ayant l’autonomisation comme horizon que la communauté parviendrait le mieux à se mobiliser pour le bien commun.
Selon l’office québécois de la langue française, l’autonomisation est le « processus par lequel une personne, ou un groupe social, acquiert la maîtrise des moyens qui lui permettent de se conscientiser, de renforcer son potentiel et de se transformer dans une perspective […] d’amélioration de ses conditions de vie et de son environnement. »
Toutefois, pour s’assurer de le faire de manière juste, écologiquement soutenable et démocratique, nous avons identifié trois axes à intégrer dans nos projets, soit « produire moins, partager plus et décider ensemble » – un triptyque emprunté à l’auteur et professeur Yves-Marie Abraham, une référence dans le mouvement de la décroissance au Québec.
Produire moins, partager plus, décider ensemble : pourquoi et comment?
1) Produire moins, c’est relocaliser au plus près d’où on habite les productions répondant aux besoins du quotidien dans une perspective de suffisance. Notre dépendance aux marchés mondiaux s’en trouve ainsi diminuée, nous mettant moins à risque de ruptures d’approvisionnement de toutes sortes et de l’inflation qui vient avec, tel que ce fut le cas d’abord avec la pandémie, puis avec la guerre en Ukraine. Relocaliser, c’est retrouver la maîtrise des moyens de production et, du même coup, réduire considérablement l’impact écologique de nos activités tout en faisant croître le sentiment d’appartenance et de fierté pour son milieu.
Quelques exemples allant en ce sens : le groupe citoyen des Valeureux Rhizomes cueille et transforme des surplus de producteur-ices valérienois-es et les redistribue en organisant des repas communautaires sains et abordables, prévenant au passage le gaspillage alimentaire; le Panier Valérienois permet de commander en ligne et de recueillir les denrées des cultivateur-ices de St-Valérien à l’épicerie du village; les Valères, un prototype expérimental de monnaie locale utilisable sur le Panier Valérienois, sont offerts aux bénévoles des Valeureux Rhizomes pour remercier leur engagement.
2) Partager plus, c’est donner accès à des lieux de rencontre qui permettent de tisser des liens. Saint-Valérien a transformé son église en Centre Communautaire dont les activités sont coordonnées par un conseil d’administration composé de bénévoles représentant des organismes valérienois. C’est entre autres là où se met en circulation la culture notamment via des ateliers de littératie pour les jeunes, des contes pour tous les âges et l’initiation à la création-réparation électronique à la Biblio-Fablab. Les savoirs-faire traditionnels comme l’initiation à l’artisanat des enfants de l’école primaire par les dames du Cercle de fermières, les cours de cuisine parascolaires ou bien les cueillettes et corvées éducatives à la forêt nourricière y sont également valorisés. Les savoirs-être sont cultivés via les ateliers de Communication NonViolente organisés par l’Oasis St-Val (une coopérative de solidarité ayant comme mission de construire un éco-hameau intergénérationnel) ou via les ateliers d’empathie donnés à l’école St-Rosaire par des parents bénévoles.
Des activités de pickelball, de VieActive, d’entrainement en salle, de danse, de cirque, de trampoline, de zumba, de patinage, de pétanque encouragent l’activité physique en groupe. S’ajoutent à cela des évènements ponctuels comme la Fête au village qui rassemble tous les citoyens pour trois jours d’activités pour tous les goûts, les brunchs/soupers/spectacles festifs organisés par différents organismes comme les Chevaliers de Colomb, l’école ou la Corporation de développement ainsi que les évènements mettant en valeur nos artisans et commerçants comme le Marché de Noël ou le Marché des producteurs.
Tout ce partage de moyens pour se réaliser, pour créer, pour répondre à ses besoins entre les différentes générations de Valérienois·es favorise une réduction de production telle que décrite plus haut, mais surtout une croissance de liens essentiels à tisser un filet social primordial à l’autonomisation collective.
3) Décider ensemble, c’est la manière la plus sensée de mobiliser une communauté autour d’une vision commune. Les principes de démocratie participative font déjà partie de certaines de nos démarches comme celles des politiques familiales et municipales amies des aînées. Le modèle de gouvernance pratiqué dans nos organismes locaux, notamment au sein du Conseil d’administration du Centre communautaire, tend vers la sociocratie où les informations et décisions peuvent circuler entre les sphères d’activités de chacun des organismes. L’idée au cœur de la démocratie participative est de sonder les besoins et les aspirations des gens pour mettre sur pied ou pérenniser des projets. Toutefois, trouver des stratégies pour mobiliser le plus de concitoyen·nes possible n’est pas chose facile, la pression du quotidien étant une réalité particulièrement limitante pour tout le monde.
Ensemble pour grandir
De nombreux autres exemples montrent que la culture d’entraide est déjà ancrée dans la communauté. Nommons le groupe de la Tire de tracteurs antiques qui finance d’année en année les activités scolaires, ou l’aide spontanée pour des corvées collectives dans les champs. Nous avons la chance de vivre au sein d’une communauté déjà favorable à l’autonomisation. À nous d’en prendre soin, de favoriser l’éclosion d’idées nouvelles ou la continuation de ce qui est déjà porteur pour avancer ensemble dans ce processus complexe d’adaptation aux nouvelles réalités.