Champ libre

POLITIQUE, ÉTHIQUE, PRATIQUE ET CONSOMMATION CULTURELLE

Par Eric Normand le 2021/12
Image
Champ libre

POLITIQUE, ÉTHIQUE, PRATIQUE ET CONSOMMATION CULTURELLE

Par Eric Normand le 2021/12


I feel that music should be free of politic because it’s a direction which I say is contradictory, so it should be free of politics and also free of culture.

Culture is always culure-for-sale.

— Don Cherry, 1970

Nous vivons cet automne deux campagnes électorales : l’une au fédéral, l’autre au municipal.

Si la première a été d’un ennui total, elle m’a quand même amené à me questionner sur les enjeux qui me touchent directement dans ma vie d’artiste et à constater que, en campagne électorale, personne dans la classe politique ou dans le milieu culturel ne les aborde avec un angle autre que celui du marché. Déception!

Si, en 1980, René Lévesque inaugure avec émotion la Nuit de la poésie, après 10 ans d’un premier ministre dont l’actrice préférée était Cameron Diaz, on peut dire que la poésie ne figure pas toujours en tête de liste de nos politiciens, tous paliers confondus.

FÉDÉRAL

Au fédéral, les libéraux peu inspirants sont réélus avec l’aval du milieu culturel pour leur générosité pécuniaire dans le financement des arts et des mesures COVID. Pourtant, dans les plateformes des partis, la place de la culture s’amenuise. Un manque total de vision! Si l’un des enjeux qui a le plus changé la vie des artistes (la « gratisation » de la culture par les GAFAM) relève largement du fédéral, il n’y a encore aucun plan pour changer la situation! Pire : les partis investissent huit millions en publicité sur Facebook durant la campagne.

Verdict : pendant qu’un présumé agresseur fait son air de boudeur-fier pour rallier le vote québécois, qu’un sympathique turbané démontre, par sièges perdus, l’existence du racisme systémique et que les conservateurs font la preuve qu’il reste des fossiles en masse dans notre beau pays, Trudeau se faufile timidement à la tête d’un pays dont la culture sera de « continuer à poursuivre » dans un français approximatif.

Et c’est pour cela qu’on va continuer à encourager les pharmas, après les vaccins, qu’on va battre ensemble le record du nombre de tests COVID et qu’on va payer le gros prix pour pallier la faiblesse de notre preuve vaccinale, que plusieurs pays ne reconnaissent pas. Quand t’es né pour un ti-pain, faut pas penser faire des sandwiches pour tout le monde. Même si la PCU a prouvé hors de tout doute le niveau de vie anémique des artistes, pas de projet pour améliorer leur condition!

Après tout, on a bien eu, dans ce siècle fou, un ministre de la science créationniste.

PROVINCIAL

Du côté provincial, mononc’ Legault nous a expliqué que la culture, c’était une affaire de clan et de pantoufles tricotées, et que c’était une chose menacée par les méchants woke. Dans la tête de la CAQ, la culture relève d’une question identitaire, c’est aussi la raison qui nous pousserait à soutenir des lois racistes. On aime ça, la culture, quand ça nous flatte dans le sens du poil ou quand c’est rempli de succès et d’argent. On peut vendre la culture dans des paniers bleus (percés), mais on ne sait pas exactement qui les tresse puisque ces sites nous renvoient vers des artistes et des films québécois sur Spotify ou Amazon. On reste donc dans un discours de surface. Si, en alimentation, les discours sur le bio et l’achat de proximité sont bien connus, on écoute toujours Spotify ou un vinyle pétrochimique en mangeant ses tomates bio. On a du chemin à faire…

Et ça score fort dans les sondages parce qu’on aime le succès et l’argent. On a perdu le sens de ce que devrait être la culture : une façon de réfléchir et de se remettre en question.

Et alors, au palier fédéral, a-t-on vu la misère dans laquelle vit l’artiste? Va-t-on réformer le statut de l’artiste tel que plusieurs le réclament depuis des années? Pas de projet!

MUNICIPAL

Historiquement, le palier municipal est sans conteste le moins sexy, celui qui attire moins l’intérêt. Autant le commun des quidams que l’artiste professionnel se sentent moins concernés, moins touchés directement par les enjeux municipaux.

Pourtant, cette année me semble différente. Après quatre dures années, on sent un vent de changement : deux candidats dans le champ gauche et plusieurs nouveaux visages (et des jeunes) se présentent comme conseillers.

C’est donc quelque peu désabusé par l’état de la politique fédérale et provinciale que je vous invite à participer à une politique de proximité, à talonner les élus locaux afin qu’ils s’impliquent directement dans les enjeux qui touchent les artistes.

Ici, à Rimouski, il est temps d’avoir une administration qui bat au rythme de nos créateurs, qui défend tambour battant l’innovation et les projets qui feront de notre ville une oasis de culture. Nous ne voulons pas d’un Espace bleu piloté de Québec, nous voulons que les projets issus de notre collectivité soient soutenus et portés par nos élus.

Il est grand temps d’avoir notre nouvelle Coop Paradis, d’avoir des ateliers d’artistes, des scènes extérieures, des parcs-écoles, de valoriser le patrimoine bâti dans le cadre d’initiatives locales. Il est temps de travailler ensemble pour améliorer notre milieu de vie.

J’ai toujours de grands espoirs de changement avant les élections, avant de me retrouver dans le 8 % des losers stellaires.

Peut-être qu’après les élections, je me dirai que Don avait raison : que la meilleure façon de changer le monde est de ne pas faire de politique.

Partager l'article

Image

Voir l'article précédent

As-tu vraiment besoin de manger, Robin Servant?

Image

Voir l'article suivant

ACTIVITÉ CONTESTABLE OU DURABLE?