
Arrivé depuis un an et demi au Bas-Saint-Laurent, Guillaume Bazire a pris une grande décision : au mois de novembre, il sera candidat à un poste de conseiller municipal à Saint-Valérien. Ce designer graphique et apprenti ébéniste s’inscrit dans un mouvement plus large, la Vague écologiste au municipal, qui entend placer le maximum d’élus aux sensibilités écologistes et progressistes dans les conseils municipaux du Québec.
Âgé de 33 ans, M. Bazire se réclame de ces valeurs. Lorsqu’il parle de ses motivations, la démocratie participative (voire délibérative) et l’écologie reviennent comme un refrain. « Je ne veux pas être un représentant mais un intermédiaire entre les citoyens et l’institution, affirme-t-il. Selon moi, la prise de décision devrait être déplacée vers les citoyens. Je veux mettre en place des assemblées citoyennes récurrentes, institutionnalisées, reconnues par la municipalité. »
Lors de ces réunions, la population pourrait faire le bilan de ce qui se passe à « Saint-Val », dire ce qu’elle a aimé et moins apprécié dans les derniers mois, et parler de comment elle entrevoit le futur. Pour Guillaume Bazire, il s’agit là d’un antidote au cynisme ambiant : « Il y a de plus en plus de polarisation dans les débats et des camps qui se forment parce qu’il n’y a pas vraiment de lieux de rencontre où les gens se parlent en vrai. »
Le néo-Valérienois aimerait toutefois que l’angle écologique imprègne chaque décision de sa municipalité. Il entend d’ailleurs proposer quelques idées pour rendre Saint-Valérien moins dépendant aux énergies fossiles, comme par exemple permettre les habitats alternatifs (minimaisons, earthships, yourtes) sur les terrains résidentiels. Cela permettrait de densifier le village, augmentant par ricochet l’utilisation du covoiturage et du transport en commun vers Rimouski.
La politique municipale, un levier trop souvent ignoré
Lancée début avril, la Vague écologiste au municipal est un mouvement qui pense que les élections municipales à venir sont une occasion en or pour les écologistes de faire avancer leurs idées : en 2017, 56,3 % des élus municipaux l’ont été par acclamation, faute d’opposition. En 2021, il y aura donc des postes à prendre pour verdir les hôtels de ville.
« Même dans le contexte actuel qui est un peu sous-optimal en termes de ressources et de pouvoir pour les villes, beaucoup d’axes d’intervention entrent dans le champ de compétence des municipalités », explique l’une des figures de la Vague écologiste, Jonathan Durand Folco, qui est professeur à l’École d’innovation sociale de l’Université Saint-Paul d’Ottawa.
« On peut penser à la collecte des ordures, au déneigement, à la gestion des parcs, à certaines routes, au transport collectif, poursuit celui qui a signé le traité de municipalisme À nous la ville (Écosociété). Il y a quand même beaucoup d’outils de réglementation, de zonage, de budget qui peuvent être introduits pour faire une différence. »
La Vague écologiste n’est pas un parti politique, et n’en sera jamais un. Son but est plutôt d’outiller les personnes intéressées à se lancer en politique municipale – et de continuer à les soutenir une fois élues. Lors de formations et discussions en ligne, elles peuvent apprendre comment monter une équipe et faire campagne, mais aussi écouter les témoignages d’élus déjà en poste.
« C’est intimidant de se lancer en politique, alors c’est bon de voir que d’autres personnes ont réussi et ont pu mettre en place des projets inspirants », témoigne Guillaume Bazire, qui fait partie du noyau de la Vague, un groupe de sept ou huit personnes particulièrement impliquées dans le mouvement.
La jeunesse au pouvoir
Les candidats qui rejoignent la Vague écologiste doivent signer une déclaration dans laquelle ils prennent plusieurs engagements, comme proposer des alternatives à l’auto solo, protéger les milieux naturels, promouvoir le zéro déchet, travailler au bien-être de la collectivité et favoriser la participation citoyenne. Par la suite, ils gèrent leur candidature indépendamment. Ils peuvent clamer leur appartenance à la Vague, assure Jonathan Durand Foldo, mais celle-ci restera discrète lors de la campagne électorale et n’invitera pas la population à voter pour telle ou telle personne.
Pour l’instant, 300 personnes ont rejoint le mouvement. Environ 75 veulent se présenter, essentiellement dans des villages ou des petites villes. « On s’occupe moins des grands centres urbains où il y a des forces politiques plus organisées comme Projet Montréal, Transition Québec ou Sherbrooke Citoyen, déclare M. Durand Folco. On est assez heureux : il y a des gens de partout à travers le Québec. »
À l’heure où de nombreux élus municipaux au profil uniforme (des hommes retraités) s’apprêtent à tirer leur révérence, le professeur de l’Université d’Ottawa note que les personnes emportées par la Vague sont issues de plusieurs milieux socioéconomiques, et estime à 35 ans leur moyenne d’âge.
« On voit qu’on participe au renouvellement de la politique municipale », se félicite-t-il en ajoutant qu’il y a également beaucoup de femmes, même si Guillaume Bazire aimerait en voir encore plus et leur lance une invitation. Il n’est pas trop tard : toutes les formations déjà données sont accessibles en ligne, et une soirée d’entraide et de réseautage pour les candidats et les candidates a lieu ce lundi 14 juin.