
Un an après le début de la pandémie de Covid-19, les municipalités organisent leurs séances du conseil municipal de façon très hétérogène, a pu constater Le Mouton Noir. Certaines enfreignent même les règles fixées par le gouvernement en ce qui a trait à la communication avec la population.
En ce moment, il est impossible pour les citoyens du Bas-Saint-Laurent d’assister à un conseil municipal, pour des raisons sanitaires. Ce qui ne veut pas dire que les municipalités peuvent faire ce qu’elles veulent : l’arrêté du 4 juillet 2020 du ministre de la Santé Christian Dubé détaille les obligations auxquelles elles doivent se conformer. Deux points importants dans ce texte :
- l’assemblée doit être « publicisée (sic) dès que possible par tout moyen permettant au public de connaître la teneur des discussions entre les participants et le résultat de la délibération des membres »;
- le public doit pouvoir transmettre des questions par écrit avant le début de l’assemblée.
Concernant le premier point, le relationniste de presse du ministère des Affaires municipales Sébastien Gariépy donne quelques exemples : « publication d’un enregistrement audio ou audiovisuel, retranscription intégrale des délibérations dans un document accessible au public, diffusion de la séance sur une plateforme numérique ».
Dans bien des cas, un procès-verbal lapidaire
Nous avons regardé comment les municipalités appliquaient ces règles dans la MRC de Rimouski-Neigette. Conclusion : certains citoyens ont un bon accès à la séance du conseil et peuvent poser des questions, quand d’autres en sont privés.
À Esprit-Saint, Saint-Anaclet, Saint-Fabien et Saint-Valérien, la séance est enregistrée puis placée sur le site web de la municipalité. On peut envoyer des questions avant la séance, le maire ou la mairesse les lit puis y répond, et on peut écouter cette réponse.
Mais dans les autres petites municipalités, nous n’avons trouvé aucune trace d’un tel enregistrement : comme avant la Covid, seul un procès-verbal lapidaire (où les résolutions sont adoptées à l’unanimité) sans exposé des délibérations témoigne qu’une séance du conseil municipal a bien eu lieu… et il n’y a pas de période de questions, ce qui contrevient aux directives du ministre de la Santé.
À Saint-Narcisse, le conseil municipal n’est même pas au courant des consignes, si l’on en croit le dernier procès-verbal disponible sur le site de la municipalité, qui date de février : « Il n’y a aucune question de l’assemblée, puisque celle-ci est tenue à huis clos », y lit-on.
Pas non plus de telle période à Saint-Eugène-de-Ladrière. « Si les gens ont des questions sur nos procès-verbaux, ils peuvent nous les envoyer », explique la directrice générale Christiane Berger – mais ceci veut dire que ces questions sont posées après la séance, et non avant comme le demande Christian Dubé.
Le difficile usage de la technologie
Saint-Eugène a fait des efforts : deux fichiers audio se retrouvent sur le site web municipal, un datant de juin 2020, et l’autre de décembre. « On a eu de la difficulté, sincèrement, confesse Mme Berger. Certains de nos élus n’ont même pas de courriel… »
Le conseil municipal a donc décidé de se réunir dans la grande salle communautaire du village, en portant le masque en tout temps… Mais aucun enregistrement n’est fait de ces rencontres. « Quand on n’est pas tenus de le faire et que c’est compliqué, on met ça de côté, assume la directrice générale. Je me suis informée auprès du ministère, je leur ai expliqué qu’on a de la misère avec l’audio. Ils ont dit « OK, allez-y avec les procès-verbaux ». »
Pourtant, sur la page du gouvernement du Québec dédiée aux municipalités dans le contexte de la Covid-19, on peut lire que « la seule publication d’un procès-verbal […] n’est pas suffisante pour satisfaire à l’obligation, à moins que ce document ne reproduise l’intégralité des propos tenus lors de la séance du conseil. »
À La Trinité-des-Monts, les procès-verbaux ne sont même pas disponibles en ligne, mais sont imprimés dans le journal municipal, selon la réceptionniste qui a répondu à notre appel. À Saint-Marcellin, le dernier procès-verbal disponible sur le site de la municipalité date de décembre 2020.
Grâce à la vidéo, davantage d’interactions avec les citoyens
À part Rimouski, personne dans la MRC de Rimouski-Neigette ne diffuse de vidéo en direct de son conseil municipal. D’autres municipalités aux alentours le font pourtant : Sainte-Luce a lancé le bal dès le début de la pandémie en utilisant une application similaire à Zoom, qui permet de garder le contact avec la population. Les citoyens peuvent se connecter, questionner la mairesse, écouter sa réponse et lui demander des précisions au besoin.
Saint-Mathieu-de-Rioux, qui est pourtant mal desservi par internet haute vitesse, a copié ce modèle et partage un lien Zoom avant la séance. Ce qui ne veut pas dire que tout fonctionne à merveille : « Il y a quelques rencontres où on a oublié de démarrer l’enregistrement », rapporte le directeur général Gino Dubé.
Enfin, du côté de Sainte-Flavie, les citoyens ne peuvent pas prendre la parole lors du conseil municipal tenu par Zoom et diffusé en direct sur la page Facebook de la municipalité, mais une deuxième période de questions écrites a fait son apparition.
Ainsi, au début de la séance, on traite les courriels préalablement envoyés par les citoyens. Suite aux réponses, les auteurs des questions peuvent alors rebondir et envoyer une autre question (en commentant la vidéo en direct), qui sera traitée à la fin de la séance. Lors de cette deuxième période de questions, on peut aussi interroger le maire sur ce qui vient d’être voté par le conseil.
Livrées à elles-mêmes et pas toujours à l’aise avec la technologie, les petites municipalités appliquent donc différemment les exigences du gouvernement, sans nécessairement être animées de mauvaises intentions. Le moment est peut-être venu pour Québec de leur offrir une formation adéquate pour réussir leur virage numérique…
Au passage, on notera que dans son arrêté, le ministre de la Santé affirme qu’il est important que la population soit au courant des délibérations d’un conseil municipal, comme le prévoit le Code municipal du Québec. Cela implique que les débats entre élus soient publics, et non tenus dans des comités pléniers à huis clos. Ironiquement, en septembre dernier, la CAQ a rejeté une motion de la députée indépendante Catherine Fournier demandant d’encadrer les rencontres à huis clos…