Champ libre

As-tu vraiment besoin de manger, Michel Lagacé?

Par Tina Laphengphratheng le 2021/03
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Champ libre

As-tu vraiment besoin de manger, Michel Lagacé?

Par Tina Laphengphratheng le 2021/03


Ton autoportrait :

Au départ, j’ai choisi la peinture, en intégrant dans mes tableaux un vocabulaire de signes de cultures différentes. Lentement les signes sont devenus des abstractions. Maintenant j’alterne. Je travaille aussi avec l’ordinateur et la photo dans la réalisation d’impressions. Mes productions récentes sont souvent le résultat de manipulations de plages de couleurs ou en noir et blanc, qui induisent des rythmes dans l’espace restreint d’une forme peinte, aux accents ludiques ou même carnavalesques, sur des surfaces monochromes ou intégrées à des photographies du réel pour des impressions sur divers supports. Ce sont des surfaces d’intentions. J’y piège le sens, le déstabilise, ou encore « laisse la route du sens ouverte et comme indécise… » (Pessoa).

J’ai diffusé mon travail dans des expositions solos et collectives au Québec et hors Québec, plusieurs fois à Paris et à Bâle entre les années 1986 et 2002 environ. Je suis originaire de la région. Je vis et travaille à Notre-Dame-du-Portage.

Que réponds-tu quand on te demande quel est ton métier?

Un artiste en arts visuels. Selon l’interlocuteur, j’ajoute que je suis aussi un professeur retraité qui a enseigné plus de 30 ans au Département des arts du Cégep de Rivière-du-Loup.

Créer, c’est quoi?

Créer c’est explorer, s’introduire dans la forêt des signes, mais aussi dans la trame singulière d’une identité qui est devenue le terreau poétique de tout ce que j’imagine. Je ne peux créer autrement.

Quel rapport ton travail entretient-il avec la réalité?

Un rapport métaphorique. La réalité, je l’intériorise. Des compositions polysémiques en découlent.

Est-ce que parfois tu en as marre?

Oui, même si créer exalte, quand le doute s’installe, c’est difficile. Ma liberté est sous l’emprise de tout ce que je connais des ramifications de l’art, et mon regard est souvent plus critique que celui des autres.

Qu’est-ce qui te sauve?

Mes proches et quelques amis qui comprennent l’importance de la création dans ma vie. Mais aussi la lecture, j’aime les mystères de la littérature. Et toutes proportions gardées, des modèles de grands artistes : je pense à Matisse avec ses papiers découpés, à David Hockney avec ses monumentaux paysages colorés et à bien d’autres artistes. Ça me rassure. Je fais des œuvres d’une tout autre échelle, mais la vie d’artiste, c’est quand même la vie la plus stimulante que je connais.

Qui sont tes alliés?

C’est aussi mes proches et des amis bienveillants dont certains sont des artistes ou des connaissances du milieu de l’art que j’ai côtoyés au cours des années. Mais, c’est aussi tous ceux qui apprécient ou interrogent mon travail.

Qu’est-ce qui est choisi ou subi dans tes conditions de travail?

La solitude, le temps sur l’ordinateur, le doute et la cuisine du métier, sans parler de la fabrication de dossiers pour diffuser mon travail.

Que pense de ton travail l’enfant ou l’adolescent que tu étais?

Il aimerait, mais il n’y comprendrait rien, car il n’aurait jamais imaginé qu’un jour il ferait ce type d’œuvres.

As-tu vraiment besoin de manger?

Oui, j’ai une faim de loup : pourquoi devrais-je m’arrêter?

Dans le cadre de cette rubrique, Le Mouton Noir présente une ou un artiste du Bas-Saint-Laurent. Avec l’autorisation de Coline Pierré et Martin Page, Le Mouton Noir s’est inspiré du collectif que ces auteur·e·s ont publié en 2018 aux éditions Monstrograph, Les artistes ont-ils vraiment besoin de manger?, un recueil de 35 questions posées à 31 artistes sur leurs conditions de vie, de travail, de création.

Pour en savoir plus : www.monstrograph.com

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