
Un nouveau concept d’agrotourisme va voir le jour à la ferme du Castor Gras à Trois-Pistoles : dès cet été, il sera possible d’y camper tout en découvrant le fonctionnement de cette exploitation maraîchère qui applique les principes de la permaculture. L’aboutissement d’un long processus pour le propriétaire Frédéric Moisan Wilson, qui espère inspirer d’autres jeunes agriculteurs.
L’histoire du Castor Gras commence il y a quatre ans : après six années passées à voyager en Australie, en Asie et sur la côte ouest, Frédéric cherche à changer de mode de vie et à « s’enraciner ». « Je voulais revenir au Québec et me donner une raison de ne pas repartir », se rappelle-t-il. Ce natif de Saint-Hyacinthe atterrit dans Les Basques parce qu’il veut voir le fleuve, mais aussi et surtout parce qu’il y trouve une terre accessible pour son budget : « Mon terrain de 55 acres m’a coûté 30 000 $. En Montérégie, c’est 10 000 $ l’acre… »
Si la parcelle est si peu chère, c’est parce qu’elle n’intéresse pas les producteurs conventionnels : pas exploitée depuis 35 ans, elle est rocailleuse, possède un secteur boisé non entretenu et est mal drainée. Frédéric, lui, est séduit par la beauté des lieux… avant de se rendre compte qu’il a peut-être fait cet achat un peu vite : n’ayant pas d’accès à la route, la terre est non constructible. Elle est surtout soumise aux lois très strictes protégeant le domaine agricole au Québec, qui interdisent par exemple au nouveau venu de camper là avec ses amis.
Frédéric s’en sort avec une pirouette : il parvient à acheter un deuxième terrain, situé entre la route 132 et sa propriété. Les deux lots fusionnent et deviennent constructibles. Encore faut-il qu’il ait un projet agricole : c’est ainsi que la ferme du Castor Gras voit le jour et décroche des subventions pour la relève.
Quinze sites de camping
Ce qui devait être à l’origine un « trip » d’autosuffisance devient une exploitation commerciale qui rencontre un certain succès : Frédéric quadruple sa production tous les ans, et atteint le seuil de rentabilité. Il produit des tomates, des champignons, des micropousses, des œufs et du poulet. Cette année, son verger de pommiers et de poiriers va entrer en production. Il a aussi creusé des lacs, zones de biodiversité dans lesquelles s’ébattent des truites.

Mais Frédéric, 30 ans aujourd’hui, rêve depuis le début de camping à la ferme, un concept qu’il a découvert lors de ses voyages. Lors des deux dernières années, il a travaillé à bâtir un dossier en ce sens pour la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) avec l’aide d’un agronome. Pour finalement obtenir le droit d’installer 15 sites de camping (dont quatre seront accessibles en van aménagée) sur sa terre agricole, une première au Québec.
La CPTAQ a cependant refusé l’installation de trois chalets, dans la mesure où ceux-ci auraient été situés dans une zone à haut potentiel agricole. Frédéric devra par ailleurs générer plus de profits avec sa production maraîchère qu’avec son camping.
Les campeurs de passage pourront donc profiter de leur séjour pour découvrir les rudiments de la permaculture. « Je travaille avec les cycles du soleil, les poules jouent un rôle dans la ferme… Pour voir cette dynamique, ça requiert que tu passes 24 heures sur le terrain. Mais aussi pour observer les lucioles et les chauves-souris, les interactions qui n’existent pas dans un grand champ de maïs », explique l’unique propriétaire du Castor Gras.
L’envie de partager son expérience
Chaque matin, une visite de la ferme sera organisée. Il sera également possible d’aller poser des questions à tout moment aux travailleurs dans les champs, et même de mettre les mains dans la terre. À la manière d’un Jean-Martin Fortier, Frédéric veut « inspirer les gens » et parle d’un ton pédagogique : « Comme je travaille à petite échelle, toutes mes idées sont réplicables dans une cour arrière. Je n’ai pas un poulailler de 20 000 poules : j’ai un petit poulailler installé dans une roulotte, que tu peux facilement faire chez toi pour avoir tes propres poules. »
Le jeune producteur entend aussi servir d’exemple à ceux qui rêvent d’un projet similaire au sien : « Mon dossier à la CPTAQ est public. Si quelqu’un veut faire la même chose que moi ailleurs, il peut y accéder. Ça lui facilitera la tâche : s’il correspond à tous les critères, pour lui aussi ça va passer! » Le Pistolois espère ainsi contribuer à l’essor de l’agrotourisme au Québec, un secteur dont on parle beaucoup, mais surtout au futur et trop peu au présent. « Dans le concret c’est sous-financé, il n’y a pas vraiment de programme d’aide », conclut-il de sa propre expérience.
Vu que la Financière agricole ne finance pas de tels projets, Frédéric va prochainement lancer une campagne de sociofinancement pour aménager un bloc sanitaire et améliorer le chemin qui mène à la ferme. Le Castor Gras devrait être fin prêt pour recevoir ses premiers campeurs fin juin 2021.