
Dix municipalités du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie ne disposent toujours pas de station d’épuration à la sortie de leur réseau d’égouts. Malgré le fait que le Règlement sur les ouvrages municipaux d’assainissement des eaux usées (ROMAEU) leur impose d’aménager une telle installation d’ici le 31 décembre 2020, on pourrait attendre jusqu’à 2024 pour que cela soit enfin réalisé partout.
On peut diviser les municipalités sans station d’épuration en deux types : celles de l’intérieur des terres (Biencourt, Saint-Adelme, Sainte-Françoise et Murdochville) ont recours à des marais filtrants ou des étangs non aérés afin d’assurer un traitement rudimentaire de leurs effluents. Celles du littoral (Les Méchins, Grande-Vallée, Caplan, secteur Rivière-au-Renard de Gaspé et secteur Newport de Chandler) utilisent plutôt un dégrilleur, c’est-à-dire un équipement qui permet de retenir les matières en suspension des eaux usées, alors que la partie liquide est déversée directement dans le fleuve ou la mer. À Cap-Chat, il n’y a même pas de dégrilleur, selon les informations transmises par le ministère de l’Environnement.
Ajoutons que plusieurs autres municipalités n’ont pas de réseau municipal d’égout, chaque résidence ayant alors sa propre fosse septique.
De longs délais
Toutes les municipalités à qui nous avons pu parler ont assuré qu’elles étaient en train de travailler à la mise en place d’une station d’épuration. Le ministère de l’Environnement confirme que les dix municipalités concernées ont toutes transmis un plan d’action pour le traitement de leurs eaux usées. Dans de nombreux cas, celui-ci date de quelque temps et doit être mis à jour, notamment en réalisant des échantillonnages supplémentaires, nous ont expliqué des responsables municipaux.
La construction d’une station d’épuration est un long processus. « Cela fait déjà cinq ou six ans que le gouvernement du Québec a désigné notre municipalité comme prioritaire », témoigne la mairesse de Caplan, Lise Castilloux, qui espère que l’inauguration de l’usine de traitement pourra avoir lieu en 2022 dans ce village de la Baie-des-Chaleurs. La somme à débourser étant conséquente, les municipalités attendent que des programmes de subvention soient disponibles, et espèrent que leur dossier soit accepté. Le processus de validation et d’autorisation effectué par le ministère de l’Environnement allonge les délais.
À certains endroits, on a d’autres problèmes à régler en parallèle. Par exemple, à Gaspé, le réseau d’approvisionnement en eau potable du centre-ville n’a été mis aux normes qu’en 2018. Dans le secteur de L’Anse-au-Griffon, un avis d’ébullition est en cours depuis août 2010. La construction de la station d’épuration de Rivière-au-Renard n’est donc pas le seul projet coûteux que la municipalité doit réaliser.
Les municipalités de Biencourt (Témiscouata) et de Saint-Adelme (Matanie) n’ont pas été en mesure de nous donner un échéancier. Il n’a pas été possible de joindre des responsables de Cap-Chat, Murdochville et Les Méchins.
À Sainte-Françoise, la directrice générale Véronique Pelletier assure que le projet est très avancé : « On est rendus à l’étape des plans et devis définitifs, pour que ça se fasse l’année prochaine. »
L’impact de la Covid
À Grande-Vallée, la pandémie de Covid-19 a causé des retards dans les études précédant la construction de la station d’épuration, explique la directrice générale Ghislaine Bouthillette : « En 2019, on a mandaté la firme Tetra Tech de nous soumettre des options possibles de station d’épuration, avec le budget correspondant. Normalement, on aurait dû recevoir ça en novembre ou décembre cette année. »
Mais le confinement printanier et la fermeture de l’accès à la Gaspésie ont compliqué les déplacements des employés de l’entreprise, qui n’ont pas pu effectuer de relevés au moment où la nappe phréatique est la plus haute, en mai. Résultat, tout l’échéancier est décalé d’un an : « On devrait commencer les travaux en 2023, pour terminer au printemps 2024 », planifie Mme Bouthillette.
Même cause et mêmes effets à Chandler, qui a hérité du vieux système de traitement par dégrillage de l’ancienne municipalité de Newport, pas aux normes actuelles. « Au printemps, la firme d’ingénieurs devait faire des mesures à la fonte des neiges, mais lorsqu’elle a enfin pu venir, le coup d’eau était passé », raconte le technicien en assainissement des eaux Robert Beauchamp. Il va donc falloir se reprendre au printemps 2021.
La conception de la station d’épuration, qui était prévue pour 2022, va donc être également repoussée d’un an. En attendant, le « tamis rotatif » de Newport ne capte que les matières en suspension. « L’eau sort avec une demande biochimique en oxygène d’environ 70 mg/l », estime M. Beauchamp, alors que les normes pancanadiennes sont de 15 à 25 mg/l.
Une fois les stations d’épuration construites, les problèmes ne sont toutefois pas réglés à 100 % : les déversements d’eaux usées directement dans le fleuve et les rivières sont monnaie courante au Québec. Ceux-ci surviennent lorsque l’afflux d’eau est trop important aux stations d’épuration, et que ces dernières débordent.
Dans l’Est-du-Québec, la (triste) palme revient à Rimouski, avec 728 déversements en 2019, d’après les données de la Fondation Rivières. Suivent Chandler et Matane, avec respectivement 709 et 606 déversements. Dans les petites municipalités, Marsoui se distingue avec ses 365 déversements pour l’année 2019, alors que ce village gaspésien ne compte que 275 habitants …