Exclusivité Web

À La Rédemption, un trésor bien enfoui

Par Rémy Bourdillon le 2020/06
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Exclusivité Web

À La Rédemption, un trésor bien enfoui

Par Rémy Bourdillon le 2020/06

La Rédemption est un village niché au creux d’une jolie vallée, à environ 30 minutes de route de Mont-Joli. À l’embranchement où on quitte la route 132 pour s’y rendre, une pancarte annonce la présence de grottes. Sur place, par contre, difficile de les trouver… Un homme qui prend le soleil devant chez lui me fait signe de tourner à gauche et de rouler « environ un mille ».

Au même moment, un 4-roues vient rompre le silence des lieux. « Vous devez être le journaliste du Mouton Noir? dit son pilote. Suivez-moi. » On roule sur une route de gravier, puis on tourne sur un chemin au bout d’un champ. Impossible d’imaginer qu’il puisse y avoir des grottes ici. Il a d’ailleurs fallu qu’un incendie ravage la forêt, quelque part dans les années 1920, pour qu’elles apparaissent à la vue d’un prospecteur minier nommé Pantaléon Plante, le découvreur des lieux.

L’homme sur le 4-roues se nomme Nelson Fraser et est l’un des trois bénévoles qui tentent de faire connaître l’endroit, aussi nommé Spéos de la fée, depuis cinq ans. Il est content de recevoir de la visite de Rimouski, car « la clientèle régionale ne vient pas nous voir », dit-il. 95% des visiteurs de ce « diamant non poli » (toujours selon ses mots) viennent de l’extérieur de la région, voire de l’étranger. Pourtant, le site a quelque chose d’unique : très peu aménagé, il offre une expérience d’une grande authenticité, qui se rapproche davantage de la spéléologie que de la simple visite touristique.

Et malgré la difficulté à se faire connaître, l’affluence augmente lentement : 250 visiteurs ont plongé sous terre à La Rédemption en 2017, puis 850 en 2018. L’an dernier, la barre du millier a été franchie.

À l’entrée des grottes, Bruno L’Italien est en train de former les deux guides qui s’occuperont de l’endroit cet été. Également bénévole, ce passionné de géologie descendait dans la grotte principale quand il était enfant, avec seulement un sac poubelle sur le dos pour ne pas trop se salir. Ce sont des spéléologues amateurs qui ont déblayé ce tunnel dans les années 1970. Depuis, une via ferrata a été installée : il s’agit d’un câble fixé à la paroi auquel on s’agrippe grâce à deux mousquetons et un harnais. Lorsque la pente devient trop forte, de minuscules marches de métal semblables à des prises d’escalade permettent de ne pas glisser. Ce sont les seules installations à l’intérieur de la cavité. L’éclairage est assuré par les visiteurs eux-mêmes, grâce aux lampes frontales installées sur leurs casques.

Vestige des glaciations

Les grottes ont été formées il y a 200 000 ans, explique M. L’Italien, lors d’une période de déglaciation. De l’eau s’est accumulée sous les glaciers qui recouvraient le territoire; poussée par le poids de ceux-ci, elle a creusé des conduites souterraines. D’autres cycles de glaciation/déglaciation ont agrandi les galeries, qui forment un réseau dont une toute petite partie a été explorée jusqu’à présent. Nelson Fraser est persuadé que cet endroit a un potentiel formidable, mais les propriétaires qui laissent les touristes passer sur leurs terrains ne sont pas nécessairement enclins à le voir se transformer en parc dans un futur proche.

Puisque c’est la force de l’eau et de la glace qui a creusé les grottes, il ne faut pas s’attendre à trouver là d’impressionnantes stalactites. Tout juste observera-t-on quelques coulées de calcite et de très beaux spécimens de fossiles (cet endroit fut jadis le fond d’une mer). L’intérêt est ailleurs : l’espace d’une heure et demie, on est dans la peau d’un spéléologue. Après être descendu 45 mètres sous la surface (ce qui en fait la grotte la plus profonde au Québec), on escalade une falaise souterraine, ce qui n’a rien d’une promenade de santé. Au sommet, une belle langue rocheuse et quelques fossiles en forme de mâchoires, autant d’étrangetés dont seule la nature a le secret.

Autre grand avantage des grottes : leur fraîcheur est bienvenue en période de canicule. La température y est de 4 à 8ºC, une petite laine s’avère donc nécessaire (de même qu’une bonne paire de souliers). Attendez-vous cependant à ressortir boueux.

Pour la saison 2020 (qui devrait débuter incessamment), les groupes seront limités à deux familles. Port du masque et distanciation physique seront obligatoires, ce qui s’avérera un grand défi pour les guides. Pour y aller sans se perdre, réserver au préalable sur le site du Spéos de la fée.

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