
Après son élection, en octobre 2018, le gouvernement de François Legault disait vouloir être la voix des régions qui l’ont porté majoritairement au pouvoir. Ce discours contrastait avec celui du gouvernement précédent, libéral, qui s’était employé à détruire ce qui restait d’outils et de moyens en développement régional, abolissant CRÉ et CLD, ne laissant que bien peu de choses dans les mains des régionaux, outre l’austérité dont il se réclamait. Mais 18 mois plus tard, qu’en est-il des prétentions régionalistes de François Legault?
Pas évident du tout de dire que les bottines ont suivi les babines. Malgré le succès relatif entourant la négociation du nouveau pacte fiscal municipal, qui redonne certains moyens aux municipalités, en particulier via le transfert d’un point de la taxation à la consommation, force est de constater que le développement régional et l’occupation du territoire sont loin des priorités de ce gouvernement. Outre pour les enjeux économiques d’envergure, les outils manquent encore cruellement pour soutenir la réflexion et les débats dans nos communautés sur les multiples enjeux du développement régional.
Il y a bien une ministre « déléguée » au développement économique régional, Marie-Eve Proulx. Une ministre délayée pourrait-on dire tant elle ne dispose pas de moyens pour concrétiser la mission qu’on lui a confiée. Une simple recherche sur « les internets » du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation — le ministère d’attache de la ministre Proulx — suffit pour constater que les notions de développement régional et d’occupation du territoire ont été totalement biffées — tant dans le nom du ministère que dans la documentation disponible. Sans portefeuille et sans véritables moyens, que peut-elle réussir?
La ministre est tout aussi effacée dans son rôle de responsable de la région du Bas-Saint-Laurent, ce qui lui a valu tout dernièrement des critiques de nombreux intervenants. Dans le dossier de la traverse de Trois-Pistoles, par exemple, on peut se demander pourquoi celle qui accompagnait le député Denis Tardif n’a pas trouvé bon de rencontrer des intervenants au dossier, alors qu’elle visitait la fromagerie des Basques à un jet de pierre de là. Cela montre un certain désintérêt, si vous me permettez de rester poli.
Mais son attitude ne contraste pas avec celle de son gouvernement qui s’entête à prioriser un projet de troisième lien à Québec alors que rien ne saurait le justifier, outre le respect d’une promesse populiste qui à la base est ridicule. C’est ce même gouvernement qui refuse de rencontrer les actrices et les acteurs de la Côte-Nord pour discuter d’un premier lien qui pourrait permettre de désenclaver toute une population. Question de priorité.
Et puis après
Je vous entends me dire que ce n’est pas nouveau tout cela, et que la tendance au désengagement de l’État à l’égard des enjeux d’occupation du territoire et du développement régional s’est accentuée depuis le virage néolibéral du milieu des années 1990. Je vous dirai amicalement que vous avez raison, mais que ce n’est pas une raison pour jeter la serviette, au contraire.
Les enjeux liés à l’occupation du territoire et au développement régional se multiplient et se compliquent à mesure que les réalités nous rattrapent : économie trop centrée sur les ressources naturelles, démographie, manque de main-d’œuvre, vieillissement, diminution des populations dans certaines communautés dévitalisées, et le cercle vicieux qui s’ensuit : difficultés de rétention, baisse du financement des services publics, perte et disparition d’emplois, perte de moyens de production, exode, et ça recommence. Ajoutez à cela la nécessaire transition écologique qu’il nous faut impérativement mettre en œuvre, et dont l’impulsion ne viendra assurément pas d’en haut.
Il est temps d’exiger du gouvernement le respect : qu’on arrête de nous faire croire que les gouvernements centraux à Québec et à Ottawa se préoccupent de nos collectivités; c’est un mensonge. Ils s’en balancent complètement. Les gens des Trois-Pistoles l’ont compris à la dure au cours des dernières semaines. Les gouvernements nous mentent, nous mènent en bateau ou tentent de nous endormir en faisant miroiter des solutions qui ne viennent jamais à bout des problèmes qui nous touchent concrètement. Il faut prendre acte de ce désengagement et se gouverner en conséquence.
Malheureusement, à présent, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes, malgré les belles promesses. Et si on parlait de prise en charge, d’autonomisation et du développement de notre intelligence collective?