
Après Azadé, Louis-Nicolas Trépanier signe un deuxième roman, Les terres, en proposant cette fois de faire voyager le lecteur dans son Bas-Saint-Laurent natal. L’action, si l’on peut dire, se passe à Port-Pic, coin isolé qu’on peut rattacher à Rimouski pour les besoins de la fiction. En fait, on est beaucoup ici dans la contemplation du territoire ou, devrait-on dire, du paysage, puisque, comme le souligne le narrateur, la nuance est grande.
À travers des perles peut-être auto-biographiques, on voyage avec un narrateur qui enseigne la géographie à l’Université de l’Alabama et qui souhaite étudier les paysages bas-laurentiens. Son angle d’approche : celui de l’humain. Comment un territoire qui ne change pas peut-il être source de multiples perceptions? Le narrateur sera d’ailleurs rapidement confronté aux opinions opposées de Nadine et de Dalibaire quant à une question de patrimoine. Pour la première, le patrimoine est un héritage littéraire auquel se mêlent des histoires personnelles et qu’il faut protéger, pour le deuxième, il faut plutôt laisser aller un passé en constante évolution.
Louis-Nicolas Trépanier ne nous dit pas lequel des deux a raison. Il soulève simplement des questions qu’on ne pose pas assez. Il expose avec ironie le fait de transformer la nature sauvage en attraction touristique, paradoxe des plus frustrants. Ou il évoque la réalité des Premières Nations, en faisant remarquer qu’il est plus facile d’apprendre le chinois à Montréal qu’une langue autochtone. En fait, l’exotisme repose toujours ailleurs, même chez nous pour les autres, comme le montre l’auteur. L’humain et la nature font dans ce récit une danse dissonante. « La forêt n’a rien à voir avec la campagne : c’est un territoire exotique, de ceux où l’on monte pour des vacances de chasse, pour aller bûcher ou parce qu’on est vraiment, vraiment perdu. »
Trépanier entrecoupe son récit de petites leçons d’histoire et de géographie qui poussent à la réflexion. Viennent donc se mêler fiction et réalité, dans une frontière délibérément floue. Et on se laisse volontairement porter par la plume de l’auteur. Une plume qui décidément nous fait voyager. Une plume qui maîtrise la description et la renouvelle, toujours de bon ton, jouant avec les attentes du lecteur. Trépanier fait prendre vie au paysage. Parfois il est contemplatif, parfois il est drôle, mais il est toujours juste. Les personnages sont campés tout de suite dans leurs petites fins du monde personnelles. Après tout, comme le dit Dalibaire, « la rationalité, c’est le gros bon sens des psychopathes ».
J’en profite pour vous rappeler de prendre une pause, de garder les yeux bien ouverts, et de revisiter l’exotisme de votre chez-vous. Bonne lecture ou bon voyage, de toute façon, c’est la même chose.