
Le livre souvenir du 125e anniversaire de Saint-Germain-de-Kamouraska, Dessiner Saint-Germain. Un village envisage son avenir, développe pour l’essentiel une réflexion sur des enjeux actuels et sur un ancrage dans le présent pour se projeter vers l’avenir. Pour rendre compte de cette intention, le concepteur du projet a sollicité la participation des enfants du village pour illustrer le livre. Pourquoi l’enfance? Parce que, dit-il, c’est dans chaque enfant que s’exprime la dimension créatrice, en prenant soin d’ajouter, en citant Picasso, « le problème est de savoir comment rester un artiste en grandissant ».
L’on comprendra que l’appel à la créativité pour préparer l’avenir n’est pas une utopie désincarnée du réel. Au contraire, s’il y a utopie, c’est pour dire que les chemins du progrès se sont éloignés des milieux de vie et des capacités individuelles et collectives de penser l’avenir autrement que sous le joug du productivisme. Pour rendre compte de cette réflexion sur l’avenir de Saint-Germain, les membres du comité du 125e, en plus de faire appel aux enfants, ont sollicité la participation de penseurs et de gens du village et de la région possédant une formation universitaire, tous soucieux d’offrir une réflexion critique sur des enjeux locaux et mondiaux du développement.
Si le premier texte porte sur l’importance du rôle qu’a joué l’Église dans la fondation du village, l’« appel à marcher dans les pas de saint Germain » au nom de la communauté des chrétiens nous ramène à un temps révolu. Cette position est cependant une exception dans l’ouvrage où le présent et l’avenir sont ceux d’une communauté citoyenne plurielle et engagée pour le bien commun et la transition vers un modèle de développement convivial.
Les auteurs et les auteures rappellent les transformations des communautés rurales en tentant de voir, dans le « comment faire » et le « comment être », les possibilités de consolider leur avenir. La question sociale repose sur des principes d’entraide, de soutien, de solidarité, d’écoresponsabilité et de démocratie citoyenne à partir desquels il est possible de refonder la ruralité. Concrètement, ces principes se traduisent par la création de nouveaux lieux de rencontre (marché public, jardin communautaire, espace de travail partagé, etc.) et par l’accès au territoire pour établir des communautés intentionnelles (écovillages). L’économie de proximité, dont l’économie sociale, enchâssée dans une culture communautaire et la protection de la nature, constitue l’amorce d’un nouveau contrat social.
L’on souligne également dans l’ouvrage les luttes qu’ont menées les ruraux pour sauvegarder leurs services et valoriser leur singularité contre la banlieurisation. Les communautés villageoises se sont aussi mobilisées pour valoriser une économie du terroir, qui consoliderait les particularités identitaires des territoires ruraux, et pour protéger les paysages construits qui rappellent nos façons de vivre et d’organiser l’aménagement de nos territoires.
À Saint-Germain, un village dont l’économie s’est surtout développée en prenant appui sur l’agriculture, l’on se demande comment il est possible de poursuivre cette activité dans un contexte de manque de relève et de diminution du nombre de fermes. L’on constate toutefois que la vie agricole possède une armature non négligeable avec quelque vingt-deux entreprises diversifiées (laitières, céréalières, maraîchères, forestières, acéricoles, etc.). Mais les propositions misent surtout sur une transition vers une agriculture vivrière et une production biologique sur de petites surfaces : une production agroalimentaire plurielle destinée à la population locale, où productrices et producteurs mettraient en valeur les échanges sur leur savoir-faire en ayant le souci du bien commun. Bref, une façon d’inscrire des pratiques alimentaires visant l’autonomie, et de mettre fin à une production dépendante des hydrocarbures.
Cette préoccupation pour une transition vers une économie alternative est alimentée par une réflexion sur la question des changements climatiques, et particulièrement sur les menaces d’érosion et d’envahissement de plantes dans les marais de Saint-Germain. Avec la complicité des acteurs locaux, les associations de protection de l’environnement et les scientifiques, des solutions ont été retenues, dont le réaménagement de l’aboiteau à Rivière-Ouelle. C’est dans la capacité d’adaptation que semble résider la solution. Il faudrait alors voir s’il s’agit de créer un monde qui nous est adapté et non pas de nous adapter au monde tel qu’il est.
Bref, le livre est une source incontournable de renseignements sur les nouvelles pratiques de développement local en milieu rural, mais aussi une inspiration pour redonner confiance en la capacité des citoyennes et des citoyens d’assurer l’avenir des territoires ruraux et de l’humanité. À lire avec enthousiasme!